DPE : “L’ambition principale de la carte D est de créer une vraie filière, qui n’existe pas aujourd’hui”

[INTERVIEW] Le DPE a connu plusieurs évolutions ces derniers mois, sa méthode de calcul étant même décriée par certains. L’audit devient quant à lui obligatoire pour les logements F et G à partir du 1er avril prochain. Pour répondre à ces nouveaux enjeux, la CDI-Fnaim a proposé l’instauration d’une carte professionnelle, la carte D. Yannick Ainouche, Président de la CDI-Fnaim nous en dit plus.

Performance énergétique d'un logement

Selon Yannick Ainouche, la création d'une carte professionnelle de diagnostiqueur immobilier permettrait de créer une vraie filière. ©Shutterstock

Effy : Le DPE a évolué récemment : est-ce que ces évolutions le simplifient, le clarifient ?

Yannick Ainouche : Le DPE est un outil incontournable pour le particulier comme pour le professionnel de l’immobilier, pour comprendre comment fonctionne d’un point de vue énergétique, une maison ou un appartement. Il n’a été ni simplifié ni clarifié, mais il a été amélioré en partageant une information plus pertinente, des simulations de travaux qui permettraient de changer de confort énergétique, etc.

 

Yannick Ainouche, Président de la CDI-Fnaim


L’audit énergétique devient obligatoire à compter du 1er avril prochain pour les logements G et F. Qu’est-ce que ça implique ? 

Pourquoi l’Etat impose cet audit thermique aux propriétaires ? Pour que le futur acquéreur puisse bien appréhender la complexité des travaux qu’il devra faire pour que son bien passe d’une classe F à une classe D, ou d’une classe G à une classe E par exemple. L’audit va beaucoup plus loin dans l’analyse que le DPE, et l’accompagnement en termes d’information et de technicité envers le propriétaire, est plus abouti.

 

Ce qui change concrètement, c’est qu’un diagnostiqueur qui vient faire le DPE d’un bien, et que le bien s’avère être classé F ou G, aura l’obligation de proposer au propriétaire du bien, un audit énergétique. Le propriétaire sera alors obligé de le faire.

 

Actuellement, une partie de nos confrères se forment pour pouvoir devenir auditeur-thermicien. Cette méthode permettra à la fois de gagner du temps puisque le propriétaire ne fera appel qu’à un diagnostiqueur, et à l’acquéreur de faire des choix d’investissements.


Comment se forment-ils ?

Ces formations sont des montées en compétences pour nous rapprocher du métier de thermicien. Elles nous permettront de faire l’audit réglementaire d’un bien classé F ou G.


Vous proposez l’instauration d’une carte professionnelle de diagnostiqueur immobilier. Où en est ce projet ?

Pour permettre à notre filière d’être le tiers de confiance du consommateur, j’ai proposé aux pouvoirs publics, d’améliorer la rectitude et la compétence de nos confrères par un corpus qu’on appelle la Carte D.

 

A l’intérieur, il y a la création d’une vraie branche professionnelle avec une convention collective, un parcours de formation avec un BTS, un accompagnement de formation sur le terrain, car la technicité de la rénovation énergétique nous impose d’être encore plus proche du terrain pour comprendre les systèmes de chauffage, les matériaux, etc. Cette carte permettrait aussi d’avoir un système de sanctions pour les professionnels qui ne seraient pas qualifiés.


Sera-t-elle aussi proposée aux diagnostiqueurs existants ?

Bien sûr, les années d’expérience seront prises en compte. Elles sont aussi formatrices qu’un BTS. Ce sur quoi j’insiste, c’est la formation continue car le bâtiment, l’immobilier, les techniques de construction changent, et nous devons pouvoir nous former tous les ans. J’ai proposé une formation continue de deux journées par an pour se remettre à niveau.

 

Une fois qu’on a cette carte, on la garde, mais il faut bien sûr être à jour de sa documentation : que les certifications soient à jour, que la formation continue soit faite, que le diagnostiqueur soit couvert par une responsabilité civile professionnelle, qu’il n’y ait pas de défaillance, etc.

 

C’est une carte qui permet à la fois de travailler, de protéger le consommateur, mais aussi de montrer la qualité de travail des diagnostiqueurs en apportant une forme de reconnaissance.

 

L’ambition de cette carte est de créer une vraie filière, qui n’existe pas aujourd’hui.


Y-a-t-il eu une consultation réalisée auprès des professionnels pour connaître leur avis ? 

On a ouvert en début d’année une plateforme collaborative qui permet aux uns et aux autres de s’exprimer. Il y a déjà plus de 500 connexions, mais c’est encore trop tôt pour avoir un retour.

 

Lire aussi : Bientôt une carte professionnelle pour exercer le métier de diagnostiqueur ?


Plusieurs médias ont récemment remis en cause la fiabilité des DPE. Hellowatt a notamment questionné la pertinence d’une comparaison entre le DPE et la consommation. Que leur répondez-vous ?

Quel est l’intérêt ? C’est comme quand vous calculez la vitesse d’une voiture et sa consommation. 

 

Le DPE n’est pas fait pour faire de l’analyse directe de la consommation. Il a pour objectif de donner une marque, une tendance à travers une échelle de 7 classes. Dans ces 7 classes, à chaque fois, la classe A correspond aux biens les plus passifs, tandis que la classe G regroupe les biens énergivores. Entre les deux, il y a 5 niveaux de ranking, mais on ne donne pas la consommation du bien en temps réel. On donne un potentiel de charge énergétique avec l’énergie primaire, la marque carbone du bien, etc.

 

C’est comme pour une voiture : le constructeur affirme qu’une voiture consomme 8 litres aux 100 kilomètres, mais si vous roulez très vite tout le temps, elle va faire du 12L/100km, tandis que si vous roulez normalement, elle va faire du 6L/100km.

 

L’étude d’Hellowatt est très intéressante, mais elle n’a aucun sens par rapport au DPE. Une maison peut consommer beaucoup d’énergie selon les usages des occupants, mais ça n’a rien à voir avec le DPE. 

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