Le bilan en trompe-l’œil de l’éco-PTZ en 2022

La Société de Gestion des Financements et de la Garantie de l'Accession Sociale à la propriété (SGFGAS) a publié mi-juillet son traditionnel bilan annuel des éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ)1. Passé inaperçu, ce bilan 2022 révèle pourtant un renforcement des inégalités de répartition de l’éco-PTZ. Décryptage.

Une hausse des distributions favorisée par l’envolée des taux d’emprunt

Au global sur l’année 2022, plus de 82 000 éco-PTZ ont été distribués par des banques pour financer des travaux de rénovation énergétique. Un chiffre en hausse de 34% par rapport à 2021 et qui représente près du double des éco-PTZ distribués en 2020. 
 

Evolution des distributions d'éco-PTZ depuis 2019
 

Evolution du nombre d'éco-PTZ distribués depuis 2019

 


D’après le Ministère du Logement, la forte hausse des taux d’emprunt en 2022 a produit « un effet de report des ménages qui préfèrent ce prêt réglementé aux autres produits financiers »2 compte tenu de son taux préférentiel à 0%. En suivant le rythme constaté depuis 2019, le nombre d’éco-PTZ distribué pourrait bien dépasser les 100 000 unités en 2023. À date, le SGFGAS n’a pas encore dévoilé les premiers chiffres trimestriels de distribution.

Plus d’un milliard d’euros prêté via l’éco-PTZ en 2022

Avec près de 1,1 milliard d’euros prêté l’année dernière, le volume de financement de l’éco-PTZ a dépassé pour la première fois le milliard d’euros. Cette hausse du montant total prêté s’explique d’une part par la hausse des distributions en 2022, d’autre part par celle du montant des prêts. Après 2 années de baisses successives, le montant moyen d’un éco-PTZ distribué en 2022 s’établit à 13 391€, soit +7% par rapport à 2021. Une hausse pour partie liée à l’inflation : le coût des matériaux a augmenté, se répercutant sur le montant des devis de travaux et in fine sur un besoin de financement du reste à charge accru pour les ménages.

L’envolée des éco-PTZ dit « performance énergétique globale » a également participé à la hausse du montant moyen des éco-PTZ distribués. Avec 2 053 distributions, le montant moyen des éco-PTZ portant sur des travaux de performance globale en 2022 est de 38 180€. Une hausse de 56% s’expliquant par le rehaussement du plafond des éco-PTZ finançant de la performance globale depuis le 1er janvier 2022, passé de 30 000 à 50 000€ depuis la loi de finances pour 2022.

Les inégalités de répartition de l’éco-PTZ se sont renforcées en 2022

Contrairement aux années précédentes, le bilan 2022 du SGFGAS ne présente plus la répartition des éco-PTZ par décile de revenu fiscal de l’ensemble des foyers fiscaux. Et pour cause : d’après l’analyse d’Effy des annexes au bilan 2022, la part des éco-PTZ distribués aux ménages dits supérieurs a fortement augmenté, au détriment de celle des plus modestes3. La part des emprunteurs appartenant aux trois derniers déciles de revenus a grimpé à 68,2% en 2022 (contre 65,7% en 2021), quand celle des ménages appartement aux quatre premiers déciles de revenus4 a diminué à 6,5% (contre 7% en 2021). En résumé, le centre de gravité de la distribution de l’éco-PTZ continue de se déplacer dans les déciles supérieurs de revenus.
 

Répartition par type de ménages des éco-PTZ distribués en 2022

Répartition éco-PTZ 2022

Quel avenir pour l’éco-PTZ ?

Pour l’heure, l’extinction de l’éco-PTZ est prévue au 31 décembre 20235. Aucune annonce officielle d’une prolongation de l’éco-PTZ n’a été faite à ce stade, à l’inverse du PTZ6 dont le Gouvernement a annoncé la prolongation jusqu’en 2027 à l’issue du CNR sur le logement. La concertation en cours sur la décarbonation des bâtiments en profite ainsi pour interroger les acteurs sur l’opportunité de « pérenniser l’éco-PTZ ». Si en réalité sa prolongation par le projet de loi de finances pour 2024 ne fait guère de doute, les contours de l’éco-PTZ évolueront-ils par la même occasion ? Devant les sénateurs de la Commission d’enquête rénovation énergétique, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait reconnu début juin la nécessité de « retravailler le financement et étudier tous les freins qui existent, qu’il s’agisse de l’éco-PTZ ou du prêt avance-rénovation ». 

En la matière, Effy formule plusieurs propositions quant à l’avenir de l’éco-PTZ : 

1.    Engager une réforme en profondeur de l’éco-PTZ pour lancer une l’expérimentation d’un prêt bancaire sur le modèle de son équivalent allemand distribué par la KfW ;

2.    A minima, rehausser le gain énergétique exigé par l’éco-PTZ performance énergétique globale. Nous proposons en contrepartie un rehaussement du plafond et un allongement de la durée d’emprunt ;

3.    Ouvrir l’autoconsommation solaire résidentielle à l’éco-PTZ afin de démocratiser ces solutions auprès des ménages les plus modestes.





[1] Bilan statistique des éco-PTZ émis en 2022, SGFGAS, 13 juillet 2023.
[2] Rapport de la mission d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété, Assemblée nationale, 19 juillet 2023, p. 62.
[3] Analyse de l’annexe 20 du bilan statistique des éco-PTZ émis en 2022, SGFGAS, 13 juillet 2023.
[4] Source des déciles de revenu fiscal de l’ensemble des foyers fiscaux : INSEE, revenu fiscal des ménages en 2015. Pour mémoire les bornes supérieures des quatre premiers déciles sont les suivantes : 3 121€, 8 654€, 12 338€, 15 579€.
[5] Art. 99 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, modifiée par l’art. 86 de la loi n°2021-1900 du 30 décembre 2021.
[6] Pour rappel, le PTZ ou prêt à taux zéro est un prêt à taux d’intérêt nul accordé dans le but d’acquérir ou faire construire un logement en résidence principale.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

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