Rénovation énergétique : le grand zigzag

À l’issue de 6 mois de travaux et de 174 personnes auditionnées, dont Effy, la commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique a rendu la semaine dernière ses conclusions. Un rapport précis et sérieux, qui identifie parfaitement les faiblesses des politiques publiques. Tour d’horizon.

« Une politique publique en manque de constance et de lisibilité »

« Manque de continuité », « ruptures brutales dans la philosophie de certains dispositifs » : les sénateurs ne sont pas tendres envers la politique de rénovation énergétique. Son instabilité dans la dernière décennie s’est montrée préjudiciable pour les ménages analyse le rapport, détournant ces derniers de l’envie de réaliser des travaux. Au milieu de tout cela, les sénateurs soulignent toutefois que le dispositif des CEE, en vigueur depuis 2006, « a su conserver sa forme, avec une marque déposée identifiable ».

La commission d’enquête critique particulièrement le DPE, devenu au fil des années « l’instrument central de la politique de rénovation énergétique avant même d’être réellement fiabilisé ». Alors même qu’il doit devenir en 2024 la clef de voûte du projet de réforme de MaPrimeRénov’ présenté par le Gouvernement, il peine déjà aujourd’hui « à assumer son rôle attitré de pivot de la politique énergétique du logement ». Les sénateurs font de la fiabilisation du DPE une condition sine qua non pour qu’il puisse conditionner à l'avenir toute demande d’aide. Des annonces pourraient être faites cet été par le Ministre du Logement à l’issue d’un travail avec la filière a indiqué la présidente de la commission d’enquête, Dominique Estrosi Sassone, lors du point presse de présentation du rapport.

« Ne pas opposer financements publics et privés »

Si le rapport est muet s’agissant de la future 6ème période du dispositif des CEE, il propose de porter à 4,5 milliards d’euros le budget de MaPrimeRénov’ dès 2024. Une rallonge de 1,6 milliard d’euros qui aurait le mérite de rompre avec « le ralentissement de la hausse des crédits consacrés à MaPrimeRénov’ » constaté depuis la loi de finances pour 2022. Ce rapport est aussi l’occasion pour les sénateurs de rappeler le cumul possible des aides CEE et MaPrimeRénov’. Si leur articulation gagnerait à être simplifiée, les sénateurs soulignent à raison « que l’un est le nécessaire complément de l’autre ».

Une chose est sûre : « se limiter au financement des rénovations globales n’apparaît ni souhaitable ni réalisable ». Une mise en garde qui résonne tout particulièrement avec le projet de réforme de MaPrimeRénov’ qui entend recentrer les financements sur les rénovations BBC. Trop souvent critiquées, les rénovations par geste « peuvent être une porte d’entrée dans le parcours de rénovation globale » rappelle très justement le rapport. Une analyse partagée par Effy qui appelle à ne pas opposer les parcours de rénovation.

Enfin, cette commission d’enquête fait une nouvelle fois l’aveu d’échec des dispositifs de financement par l’emprunt des ménages, à savoir l’éco-PTZ et le prêt avance rénovation. Le rapport appelle à déployer plus largement ces outils qui « sont encore loin d’être exploités à leur plein potentiel ». Un constat partagé par Effy qui propose de refonder l'éco-PTZ pour s'inspirer du mécanisme bancaire de la KfW existant en Allemagne.

« Intensifier la lutte contre les fraudes, et non seulement les malfaçons »

Si le rapport sénatorial fait le constat que des contrôles existent dans le cadre de la lutte contre les fraudes, « ils ne sont pas coordonnés et leurs résultats ne sont pas partagés entre l’ANAH, les CEE, le RGE ou la DGCCRF » regrette-t-il. Cette politique de contrôle en silo nuit aujourd’hui à l’efficience des contrôles réalisés tous azimuts. Qui plus est lorsque l’autorité au cœur de la lutte contre les fraudes voit ses effectifs fondre : depuis 15 ans, la répression des fraudes a perdu près de mille postes soulignent les sénateurs. Résultat, « la DGCCRF apparaît aujourd’hui affaiblie, au moment même où l’on a le plus besoin d’elle ».

Hasard du calendrier, la DGCCRF présentait au lendemain de la remise du rapport de la commission d’enquête son bilan d’activité 2022. Un bilan dans lequel la répression des fraudes reconfirme la rénovation énergétique comme l’une de ses priorités de surveillance pour 2023 après avoir démantelé l’année dernière une fraude à hauteur de 2 millions d’euros.

Il est regrettable que la commission d’enquête n’ait pas adopté une approche budgétaire de la lutte contre la fraude, pourtant essentielle pour répondre aux ambitions en la matière. Effy renouvelle en ce sens sa proposition, déjà formulée lors de son audition devant les sénateurs, visant à flécher 1% du budget national de la rénovation énergétique à la politique de contrôle. Seuls des moyens supplémentaires, une meilleure coordination des acteurs et un renforcement des sanctions administratives et pénales permettront d’assainir durablement le secteur au bénéfice des ménages.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

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