Résidences secondaires, les délaissées de la rénovation énergétique

Si le chantier de la rénovation énergétique des bâtiments est à l’agenda du Gouvernement, il pourrait faire l’impasse sur les résidences secondaires. Depuis 2017, ces logements, dont le nombre ne cesse de croître, ne font l’objet d’aucune obligation de rénovation et se retrouvent souvent dans l’impossibilité de mobiliser des financements publics pour engager des travaux. Un propriétaire n’occupant pas sa résidence secondaire toute l’année, la consommation annuelle d’énergie y est moindre comparée à celle d’une résidence secondaire. Cette double contrainte pourrait-elle faire des résidences secondaires l’eldorado des passoires thermiques ? Effy fait le point. 

Le double de passoires thermiques parmi les résidences secondaires

Avec près de 3,7 millions de résidences secondaires1, la France figure parmi les premiers pays européens en nombre de résidences secondaires. Depuis 2000, leur nombre a augmenté de 25% pour représenter aujourd’hui environ 11% du parc de logements français. Un nombre qui pourrait continuer de croître d’après l’ADEME qui, dans son rapport « Transitions 2050 », table sur 7 millions de résidences secondaires en 2050 dans son scénario de base dit « tendanciel ».

Un parc qui n’échappe pas à la règle et qui est lui aussi touché par les passoires thermiques. On dénombre ainsi 32% de logements classés F ou G au DPE parmi les résidences secondaires, soit 1,2 million de logements, contre "seulement" 17% parmi les résidences principales2. Du côté des logements BBC, on compte seulement 2% de résidences secondaires classées A ou B (soit 84 000 logements) contre près de 7% parmi les résidences principales.

La rénovation énergétique concerne aussi les résidences secondaires !

Lors de son audition devant la Commission d’enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique, l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) a reconnu que le « sujet [des résidences secondaires] n’est pour l’instant pas prioritaire »3. Bien qu’il soit « difficile d'étudier les résidences secondaires », l’Observatoire convient toutefois qu’il « faudra l’examiner un jour »4

Et pour cause : la révision en cours de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments va fixer une ambition renforcée s’agissant de la performance de l’ensemble des logements résidentiels. Le Parlement européen défend un article 9 prévoyant la fin de l’ensemble des passoires thermiques en 2030 – sur l’ensemble du parc. Si la position du Parlement était retenue en trilogue, elle pourrait signifier à terme l’interdiction de vente des 1,2 million de résidences secondaires classées F ou G. Pour réussir les futurs objectifs européens, la rénovation des résidences secondaires ne saurait être ignorée. Pourtant, elles ne sont aujourd’hui éligibles ni à MaPrimeRénov’, ni à l’éco-PTZ dont la Première ministre vient d'annoncer la prolongation jusqu’en 2027. Elles restent néanmoins éligibles au taux de TVA réduit à 5,5% et aux Certificats d’économies d’énergie.

Des résidences secondaires sujettes à une fiscalité plus lourde

Outre leur non-éligibilité à certaines aides publiques, les résidences secondaires restent soumises à la taxe d’habitation5, à l’inverse des résidences principales dont la suppression est définitive depuis le 1er janvier 2023. Une taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) dont la possibilité de majoration vient d’être élargie à 2 263 nouvelles communes par un décret du 25 août 20236, portant le total à près de 3 700 communes

Ce décret, pris en application de la loi de finances pour 20237, a revu le périmètre des zones tendues où s’applique la possibilité de voter une majoration de 5 à 60% de la THRS. Jusqu’ici limitées aux communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, cette possibilité a été étendue aux communes marquées par des prix élevés de l’immobilier ou par une proportion élevée de résidences secondaires par rapport à l’ensemble du parc de logements. Les 3 690 communes concernées devront délibérer au plus tard le 1er octobre prochain pour une application au 1er janvier 2024.

L’ombre de l'interdiction de location des meublés de tourisme énergivores

Si pour l’heure le calendrier d’interdiction de location des passoires thermiques ne s’applique pas aux locations de meublés de tourisme, la donne pourrait évoluer dans les prochains mois et impacter les propriétaires de résidences secondaires. Et pour cause : de nombreux Français font le choix de louer leur résidence secondaire dans le cadre de locations saisonnières. Une proposition de loi, dont l’examen est prévu à l’automne à l’Assemblée nationale, prévoit de soumettre la mise en location d’un meublé de tourisme à la réalisation préalable d’un DPE. Auquel cas une résidence secondaire louée en meublé de tourisme serait demain soumise aux mêmes obligations de performance énergétique que les logements.

En résumé, les résidences secondaires classées F ou G risquent de se retrouver prises en étau entre le spectre d’une majoration de leur taxe d’habitation, l’impossibilité de pouvoir être louées en meublé de tourisme à l’avenir, et l’inéligibilité aux aides MaPrimeRénov’ et éco-PTZ.








[1] Au sens fiscal du terme, c’est-à-dire tout logement qui n’est pas une résidence principale. Une résidence principale étant entendue comme un logement effectivement occupé au moins 6 mois par an sauf obligation professionnelle, raison de santé affectant le bénéficiaire de la prime ou cas de force majeure.
[2] Le parc de logements par classe de performance énergétique au 1er janvier 2022, ONRE.
[3] CR de l’audition de l'Observatoire national de la rénovation énergétique par la Commission d’enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique, 27 février 2023. Consultable en ligne.
[4] Ibidem.
[5] Article 1407 du Code général des impôts.
[6] Décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts.
[7] Article 73 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

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