Révision de la directive efficacité énergétique : quel impact sur le dispositif CEE ?

Rappelez-vous : en mars dernier le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne parvenaient à un accord en trilogue sur le projet de révision de la directive efficacité énergétique (DEE). Les colégislateurs s’accordaient sur une hausse de 11,7% des efforts de réduction de la consommation finale d’énergie de l’Union Européenne (UE) à réaliser d’ici 2030 – par rapport au scenario mis en place en 2020. Si ce dernier était déjà ambitieux, le scénario révisé rehausse encore d’un cran l’ambition européenne. D’après les analyses d’Effy, la nouvelle directive efficacité énergétique conduira à réduire la consommation d’énergie finale de 193 Mtep au sein de l’UE, c’est dire 1,5 fois la consommation d’un pays comme la France en moins de 7 ans. Un véritable défi pour la PPE française, qui doit redoubler d’effort pour tenir compte des objectifs révisés. Avec un objectif actuel de réduction de -20% de la consommation énergétique finale en 2030 par rapport à 20121 , la France, à date, ne l’a réduite que de -4,3%. Pour rattraper son retard, les efforts de réduction de la consommation vont devoir a minima être multipliés par 4, si ce n’est davantage suite à la révision de la DEE.

Justement, 3 mois après ce trilogue conclusif, l’impact de la directive résonne déjà en France dans le champ des aides à la rénovation énergétique, dont les CEE, à la suite d’une série d’annonces du Gouvernement. Tour d’horizon.

La révision de la directive va impacter dès 2024 les aides à la rénovation énergétique

Pour atteindre collectivement l’objectif de 11,7%, l’accord prévoit une augmentation progressive du niveau d’obligation d’économies d’énergie annuelles à réaliser par l’Etat membre, et ce de façon contraignante. Un objectif « assuré en France en grande partie par les CEE » n’a pas manqué de rappeler la DGEC dans son bilan annuel 2022 du dispositif des CEE2 . Et pour cause : sur la période 2014-2020, les CEE représentaient 100% des économies d’énergies déclarées par la France pour répondre à ses objectifs européens3 ! Les CEE doivent ainsi continuer à être mobilisés pour répondre majoritairement aux paliers d’économies d’énergie à réaliser d’ici 2030. On pourrait imaginer en ce sens une augmentation du niveau d’obligation CEE calquée sur l’augmentation progressive des paliers de la directive.

La directive révisée entend également restreindre la possibilité de comptabiliser les économies d’énergies liées aux énergies fossiles. Un virage déjà anticipé par le Gouvernement qui a annoncé la semaine dernière, à l’issue du Conseil National de la Refondation sur le logement, que les aides par geste MaPrimeRénov’ "Efficacité" seront recentrées en 2024 sur un objectif de sortie des énergies fossiles, via l’installation de systèmes de chauffage décarbonés. Mais une question demeure : quelle sera l'articulation de celles-ci avec les CEE ?

Un automne 2023 sous le signe du CEE

Après avoir été adoptée par le Parlement européen le 11 juillet, la prochaine étape pour la directive est d'être approuvée par les ministres lors d'un Conseil de l'UE prévu le 25 juillet prochain, avant publication au Journal Officiel de l’UE. Si les Etats membres disposeront alors de 24 mois pour transposer le texte dans leur droit national, la France entend aller très vite en la matière…

En effet, le Ministère de la Transition énergétique, dans son bilan 2022 du dispositif des CEE, dévoile que « les travaux en cours d’élaboration de la nouvelle stratégie française énergie climat (SFEC) constitueront un volet important de cette transposition ». De quoi impacter sensiblement la loi de programmation énergie climat (LPEC) – composante à part entière de la SFEC – dont l’examen est prévu à l’automne. C’est ce texte qui doit notamment fixer pour une période de 5 ans les niveaux minimal et maximal des obligations d'économies d'énergie du dispositif des CEE4 . Le ton est déjà donné puisque que « les CEE concourront significativement à l’atteinte » du nouvel objectif d’économie d’énergie de la France prévient la DGEC dans le bilan susvisé. Une hausse incontournable du niveau d’obligation qu’il convient d’anticiper dès maintenant afin que l’effort attendu du dispositif ne se répercute pas sur la seule 6ème période.

Une 6ème période des CEE déjà en préparation ?

Alors que la traditionnelle concertation sur la future période du dispositif devrait normalement s’ouvrir au printemps 2024, la préparation en cours de la SFEC pourrait être l’occasion pour les pouvoirs publics d’ouvrir rapidement la concertation sur la 6ème période. Qui plus est sachant que la fourchette d’obligation CEE que le Parlement examinera à l’automne s’étalera sur la 5ème et la 6ème période. En cas d’ouverture anticipée d’une concertation, elle offrirait aux acteurs une visibilité inédite sur le cadre de la future période. Un vœu unanimement formulé par les acteurs, dont Effy, mais jamais exaucé. Le prochain comité de pilotage CEE prévue ce jeudi pourrait bien être l’occasion de l’exaucer.




[1] Article L100-4 du Code de l’énergie.
[2] 5ème période des CEE 2022-2025, Rapport annuel 2022, Ministère de la Transition énergétique, juin 2023.
[3] Report from the Commission to the European Parliament and the Council, 2022 report on the achievement of the 2020 energy efficiency targets, Commission européenne, 15 novembre 2022.
[4] Article L100-1 A du Code de l’énergie.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

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