[Interview] : « La REP PMCB pourrait être opportunité financière pour les artisans », Rami Jabbour (Valobat)

L’année 2023 signe l’entrée en vigueur de la filière de Responsabilité élargie du producteur (REP) pour les produits et matériaux de construction du bâtiment (REP PMCB). Contrainte ou opportunité ? Nous revenons sur les enjeux et le déploiement du dispositif avec Rami Jabbour, Directeur Communication et Marketing de l'éco-organisme Valobat.

Effy : Pourquoi avoir proposé de décaler le déploiement opérationnel de la REP PMCB ?

 

Rami Jabbour Valobat

Rami Jabbour : La REP PMCB est entrée en vigueur au 1er janvier 2023. Ce que l’on a proposé, c’est de décaler de quatre mois la partie déclaration et impact financier sur les metteurs sur le marché. Des éléments n’étaient pas clarifiés dans la REP, notamment un certain nombre de produits pour lesquels nous ne savions pas qui était metteur sur le marché et une liste de produits qui n’était pas arrêtée.

 

Un avis daté du 10 décembre a permis d’y voir plus clair mais les délais nous paraissaient trop courts pour que tout le monde puisse être prêt. Sur le reste des opérations, nous sommes déjà en train de signer des contrats avec les déchetteries professionnelles et avec les distributeurs, qui veulent mettre en place des points de collecte, pour démarrer la reprise des déchets.

 

Concrètement, quel va être le rôle des éco-organismes dans le déploiement de cette REP PMCB ?

 

Nous sommes là pour accompagner les metteurs sur le marché dans leur mise en conformité et également dans leur stratégie environnementale. Concernant les entreprises de travaux, les artisans, nous allons notamment leur apporter des solutions servicielles. Nous sommes en train de préparer une application dans laquelle ils vont pouvoir accéder aux consignes de tri, géolocaliser les points de reprise et aller jusqu’à la préparation de leur dépôt.

 

Il y a aussi toute la dimension pédagogique pour valoriser l’acte de tri et rappeler pourquoi on fait tout cela, à savoir plus d’économie circulaire dans le bâtiment. Ensuite, nous avons tout l’accompagnement pour les opérateurs de déchets au sens large, les déchetteries professionnelles, municipales et les distributeurs, à qui l’on va apporter de la signalétique, de la formation et aussi tout le soutien financier via les écocontributions. L’écocontribution sera redevable à compter du 1er mai 2023.

 

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Qu’en est-il de la reprise des déchets ?

 

La reprise des déchets pourrait démarrer avant la date du 1er mai. Un point pourrait retarder le démarrage des opérations, ce sont les standards de tri. A l’heure actuelle, nous sommes en train de faire agréer notre organisme coordonnateur qui est la structure qui doit coordonner les travaux des éco-organismes sur un certain nombre de sujets, dont notamment, l’harmonisation des consignes de tri.

 

Certains acteurs s’interrogent sur les points de maillage. Arriverons-nous aux objectifs fixés dans le cadre de la REP PMCB ?

 

Dans le cahier des charges d’agrément des éco-organismes, il est prévu un temps de plusieurs années pour mettre en place le maillage cible : des points de reprise tous les 10 kilomètres en zones urbaines et tous les 20 km en zones rurales. Cette obligation d’atteindre 100% du maillage est prévue pour début 2027.

 

Nous sommes bien conscients que le maillage est important. Ce que l’on a acté, avec les autres éco-organismes, c’est d’atteindre un premier maillage en 2023 qui permette de répondre aux besoins partout en France, et qui est beaucoup plus ambitieux que ce qui existe aujourd’hui. L’obligation de reprise pour les distributeurs va accélérer fortement le développement de points de reprise de déchets. Les gestionnaires vont eux pouvoir développer de nouvelles déchetteries, et nous allons les accompagner pour avoir l’offre la plus conséquente possible sur le marché.

 

La REP PMCB peut apparaître comme une nouvelle contrainte. Que répondez-vous aux acteurs du bâtiment ?

 

La REP pourrait être opportunité financière pour les artisans. Aujourd’hui, se défaire de ses déchets est coûteux. Demain, si les entreprises de travaux se mettent en ordre de marche pour trier leurs déchets, elles pourront bénéficier d’une reprise « gratuite ». Dès 2023, à partir du moment où les déchetteries auront contractualiser avec les éco-organismes, il y aura une baisse significative de la facture déchet pour ces entreprises. Et il deviendra plus intéressant de trier.

 

La REP est aussi l’occasion pour ces entreprises de revoir leur modèle sur le chantier. Le client souhaite voir ses déchets valorisés et il va de plus en plus l’imposer dans son cahier des charges.

 

Pour les metteurs sur le marché, l’écocontribution peut s’apparenter à une taxe. Mais il y a deux façons d’en tirer profit :

 

  • Valoriser dans sa communication, auprès de ses salariés, de ses clients, de ses parties prenantes, de ses actionnaires… cette écocontribution comme un pas de plus dans la transformation digitale.
  • Bénéficier de supports et de l’expertise qui peuvent être amenés l’éco-organisme pour mieux réfléchir à l’innovation de demain, à l’écoconception dans les process, et finalement aller plus loin que la simple conformité réglementaire.

 

Pour les distributeurs, soit je le vis comme une contrainte, soit je le vois comme l’opportunité de développer du service et de fidéliser mes clients en faisant en sorte que les artisans viennent plus souvent dans mes points de vente.

 

On parle d’une hausse des coûts des matériaux du fait du déploiement de la REP. L’inquiétude est-elle justifiée ?

 

Il y aura une augmentation sur les coûts mais la progressivité mise en place par les pouvoirs publics fait que les écocontributions vont être assez faibles, voire symboliques, en 2023. Certes, il y aura une hausse des coûts mais elle sera plus légère que celle liée à l’énergie.

 

En revanche, pour les entreprises de travaux, elles vont avoir la possibilité de réduire la facture déchets pour le compte du particulier. Elles pourront aussi aller plus loin et se différencier de la concurrence en apportant de la traçabilité au client, qui est de plus en plus regardant sur l’impact environnemental de ses déchets.

 

Quelles sont les étapes à suivre pour les metteurs sur le marché d’ici le 1er mai 2023 ?

 

Pour les metteurs sur le marché, ça se passe en trois étapes : l’adhésion, la déclaration et la facturation. L’adhésion était dû au 1er janvier 2023. Pour ceux qui ne le font pas encore fait, ils peuvent le faire gratuitement en moins de cinq minutes depuis le site de Valobat. Le contrat est signé de façon électronique.

 

Une fois l’adhésion réalisée, le metteur sur le marché est en conformité. Dans un délai de deux semaines, nous lui transmettrons son numéro d’identifiant unique délivré par l’Ademe qu’il va pouvoir mettre dans ses conditions générales de vente, son catalogue, ses factures, son site internet…

 

La prochaine étape débutera mi-février avec la déclaration des mises sur le marché. La facturation, elle, arrivera à la fin du premier semestre 2023.

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