Rénovation énergétique : comment accélérer le mouvement et changer d’échelle ?

La rénovation énergétique des logements était au cœur de la 6e édition des Rendez-vous du Mondial du Bâtiment, le 4 octobre dernier. Lors d’une table ronde, les spécialistes présents ont pu proposer leurs pistes pour massifier les gestes et enclencher une nouvelle dynamique de travaux. Nous revenons sur les éléments clés du débat.

En termes de rénovation énergétique, la France semble accuser un retard important. Si l’objectif est de rénover l’ensemble du parc immobilier à un niveau BBC d’ici 2050, les chiffres ont encore bien du mal à décoller.

 

Isolation Maison

Pourtant, selon un rapport parlementaire, révélé cette année, 94% des logements affichent une étiquette énergétique inférieure à B. Le chantier se veut ainsi titanesque, et les opportunités nombreuses pour les professionnels du bâtiment.

 

Mais comment réussir le changement d’échelle ? C’est à cette question que la filière était invitée à répondre lors des Rendez-vous du Mondial du bâtiment, le 4 octobre dernier.

S’appuyer sur la data pour mieux agir

Charles Arquin, responsable Pôle Rénovation, associé - Pouget Consultants, a souligné : « Avant de parler de l’offre et de la demande, il faut déjà évaluer la capacité que l’on a, à mieux connaître et à suivre la question de la rénovation énergétique ».

 

Il a en effet estimé que la France disposait de peu de données, notamment sur la qualité et le coût des travaux. La data et les retours d’expérience sont pourtant indispensables pour accélérer la tendance et faire en sorte que les professionnels s’engagent sur ce marché.

 

En ce sens, le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) et la mise en place de l’Observatoire national de la rénovation énergétique pourraient permettre de remonter des informations.

Des objectifs « clairs » pour chaque typologie de bâtiments

Simon Davies, Administrateur de l’Alliance HQE-GBC et directeur de AIA environnement, est lui revenu sur le patrimoine bâti. « Lorsqu’on regarde le paysage de la rénovation, il est très divers. Cela représente une forme de complexité importante à laquelle nous ne pouvons apporter une réponse unique ».

 

A ce titre, l’Alliance HQE a lancé un programme de recherches en 2019. Intitulé NZC Rénovation, il visait à identifier une méthode « cohérente » pour augmenter la performance des bâtiments existants sur l’ensemble du cycle de vie.

 

« Nous avons cherché à cartographier les familles de rénovation les plus génériques, celles qui peuvent être dupliquées à plus large échelle. Cela nous a conduits à identifier 7 cas types, parmi lesquels les grands ensembles, les logements collectifs, les gros ilots et les pavillons individuels », a-t-il détaillé.

 

Green House

L’étude montre que les leviers sont différents d’une famille à l’autre, les priorités n’étant pas les mêmes. Elle introduit également un indicateur carbone. « Si on ne traite pas la question du carbone quand on rénove, on pourrait ne pas respecter la Stratégie nationale bas carbone et les accords de Paris ». Pour ce faire, une grande attention doit être portée à l'existant et au choix des matériaux. 

Des économies d’énergie mais aussi plus de confort

Simon Davies a également estimé que l’enjeu de la santé devait absolument être « un prisme de la rénovation ». On ne peut traiter la performance du bâti sans se préoccuper de la qualité de l’air intérieur. « Un rapport transmis au Sénat en 2018 indiquait que pour 1 euro investi dans la rénovation d’une passoire thermique, 42 centimes étaient remboursés par les économies de santé pour les occupants ».

 

Ces préoccupations autour de la santé, de la qualité de l’air, du confort sont d’ailleurs très souvent à l’origine des travaux engagés par les particuliers, d’où l’importance de mieux cibler les messages pour rendre cette rénovation « désirable » et « lisible ».

 

« Je rejoins cette idée de la rénovation désirable », a répondu Charles Arquin. « On peut avoir un déficit de confiance chez les particuliers dans la qualité des travaux et le gain in fine en termes de factures. On travaille beaucoup ces sujets de lisibilité à l’échelle européenne, de manière à poser un cadre de conformité qui permettrait de garantir une bonne rénovation en termes de santé, d’économies d’énergie, de patrimoine, et y associer le sujet des investissements verts ».

Changer de « cap culturel »

La mobilisation de la profession est bien sûr indispensable à la réussite du changement d’échelle. « Nous manquons en France d’offres intégrées, c’est-à-dire de bonnes liaisons entre les architectes, les bureaux d’études et les entreprises. Nous avons des segments de parcs très bien adressés et d’autres beaucoup moins touchés à ce stade » comme la maison individuelle et la petite copropriété, a indiqué Charles Arquin.

 

Rencontre

Michèle Attar, Directeur Général, Toit et Joie, a pour sa part regretté le manque de dialogue entre tous les acteurs. Une formation serait à déployer pour que l’ensemble de la chaîne « parle le même langage et que les uns entendent les problèmes des autres ». Fonctionner en silo n’est en effet pas idéal. 

 

De son côté, Simon Davies a estimé nécessaire d’engager « un profond changement de cap culturel pour nos professions. C’est l’idée de réenchanter la question de la rénovation », et de proposer une offre de formation en cohérence avec les objectifs de développement durable.

 

En termes d’évolution des métiers, Charles Arquin a notamment parlé de la capacité des professionnels à mener ce vaste chantier de la rénovation, en industrialisant par exemple leurs méthodes en isolation par l’intérieur, en modulation de l’énergie sur le privatif, en chauffage individuelle. « En bref, toutes les solutions qui nous permettront d’allier main d’œuvre et industrialisation, et donc d’accélérer la rénovation ».

Des jeunes en quête de sens

Le changement peut également venir des nouvelles générations. « Les jeunes, en quête de sens, choisissent massivement la construction ». Même tendance du côté de la formation continue avec des professionnels qui se forment sur des métiers « étroitement liés à la rénovation énergétique », a révélé Franck Le Nuellec, Directeur du marketing, du développement et de l'innovation stratégique du CCCA-BTP.

 

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Pour répondre aux besoins du marché, le CCCA-BTP réfléchit à l’évolution de son offre de formation. « Nous avons trop raisonné en silos, en métiers, alors que la rénovation nécessite une approche globale du bâti pour éviter des coûts de non-qualité liés aux réserves, et pour que les professionnels puissent réfléchir à l’impact environnemental du bâtiment tout au long de sa vie ».

 

Cette approche globale implique-t-elle de rénover complètement le bâti en une seule fois ? Pas nécessairement, a déclaré Charles Arquin. « C’est parfois plus simple de viser l’Everest en plusieurs étapes ».

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