Remplacement des chaudières à gaz : une date butoir à 2026 serait « inatteignable »

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Le 22 mai dernier, la Première ministre, Elisabeth Borne, a présenté un plan d’action visant à accélérer la réduction des émissions de CO2. Parmi les mesures envisagées, celle d’interdire les chaudières au gaz dans les bâtiments dès 2026. « Fausse bonne idée », projet « contre-productif », objectif « inatteignable »… La filière professionnelle monte au créneau. Une concertation devrait être prochainement lancée par le Gouvernement.

Chaudière fioul : retrait

Après le fioul, l'installation de nouvelles chaudières gaz en rénovation pourrait être interdite à partir de 2026

Conformément au paquet « Fit for 55 », la France doit réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour ce faire, le Gouvernement travaille à l’élaboration d’un plan d’action qui devrait être finalisé « dans le courant du mois de juin », a précisé Elisabeth Borne devant le Conseil national de la transition écologique, réuni le 22 mai dernier.

 

Pour le bâtiment, la stratégie de la France reposerait notamment sur une forte accélération du nombre de rénovations énergétiques qui passerait d’un peu moins de 700 000 en 2022 à plus de 2,5 millions en 2030.

Fin du gaz en 2026 ?

Autre mesure évoquée, celle d’interdire les chaudières gaz dès 2026. Un chantier titanesque puisque 12 millions de ménages français se chauffent actuellement au gaz.

 

Ce projet a rapidement fait réagir les professionnels du secteur du bâtiment qui pointent un objectif « inatteignable » et qui plus est « contre-productif ». Sur Europe 1, Jean-Christophe Repon, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), a appelé à ne pas stigmatiser la chaudière à gaz mais plutôt de valoriser « son système intégré ».

 

Jugeant le calendrier annoncé par la Première ministre d’ « irréaliste », la Capeb estime bien plus pertinent de soutenir le développement de chaudières hybrides et du biogaz. « Ce n’est pas la chaudière qu’il faut bannir mais le gaz qu’il faut verdir ».

 

Même son de cloche du côté de Coénove. « Interdire l’installation de nouvelles chaudières serait un contre-sens historique, au moment même où elles affichent leur compatibilité avec le gaz vert – énergie stockable, renouvelable et produite en France », déclare Jean-Charles Colas Roy, président de l’association, dans un communiqué paru le 23 mai.

 

Coénove souligne aussi qu’en l’absence de « nouveau nucléaire » avant au moins 15 ans, « le remplacement, dès à présent, du chauffage au gaz par des solutions électriques alternatives créera de nouvelles tensions sur le système électrique français ». Un argument également mis en avant par Jean-Christophe Repon à l’antenne de Europe 1 : « Il faudra quelques EPR pour répondre aux besoins électriques en France » et ainsi éviter « un blackout » au moment des pointes.

Ne pas avancer « trop vite »

Si la filière est pleinement en phase avec les objectifs de décarbonation à l’horizon 2050, elle estime « qu’il faut avancer » mais « pas trop vite ».

 

Dans une lettre adressée à la Première ministre le 30 mai dernier, le Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (Synasav) rappelle que la chaudière à Très haute performance énergétique (THPE), « compte tenu de ses performances, de sa facilité d’installation et de réparabilité, de sa durabilité (20 ans en moyenne), est une excellente solution de transition pour remplacer facilement les 6 millions de chaudières « Basse Température (BT) » existantes. Passer d’une BT à une THPE, c’est 20 à 30% de consommation en moins immédiatement (chiffres Ademe) ».

 

Alors que la pompe à chaleur reste « fortement sponsorisée », le Synasav évoque aussi la formation des professionnels et leur montée en compétences « Majoritairement, nos équipes techniques sont formées sur l’hydraulique et à l’électricité pour être en capacité d’intervenir sur les chaudières. La pompe à chaleur, c’est une autre technologie : la thermodynamique. Cela signifie qu’il faut anticiper une bascule progressive des compétences d’une technologie à l’autre ».

 

Selon le Syndicat, cela représenterait un coût d’environ 10 000 euros par technicien (connaissances et formation fabricants, outillage, équipements de mesures, etc.), sans compter l’achat de nouveaux véhicules « pour des raisons de poids et de taille des équipements ». « Il est donc impératif de prendre grand soin des filières de formation et de leur adaptation progressive aux besoins des entreprises », poursuit le Synasav.

Prendre le temps de la concertation

L’Union des métiers du génie climatique, de la couverture et de la plomberie (UMGCCP) insiste, elle, sur l’importance de la concertation. « Afin de ne pas embarquer nos concitoyens dans une impasse technique, il est important que les fabricants, les installateurs et l’ensemble de la filière apportent leur témoignage sur les solutions alternatives et les délais de disponibilité et de mise en œuvre sur le terrain. Ce n’est que sur cette base objective qu’un agenda doit être envisagé ».

 

L'organisation précise enfin que le secteur est « déjà largement engagé dans cette voie, tant sur les bâtiments neufs avec la RE2020 qu’en rénovation avec une forte progression des équipements EnR (biomasse, pompe à chaleur, géothermie, solaire…) ».

 

Une concertation est bel et bien prévue

Lors d'une séance de Questions au Gouvernement, le 31 mai dernier, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a assuré qu'une concertation sur la baisse du gaz fossile dans le bâtiment serait prochainement lancée, avec Olivier Klein et Christophe Béchu.

L'objectif,  « trouver par anticipation, et en nous projetant dans la durée, les meilleures solutions permettant de construire les filières alternatives au chauffage à gaz (...) » et « faire en sorte que les Français où qu'ils soient sur le territoire et quelque soit leur type de logements puissent être accompagnés dans l'évolution de leur mode de chauffage, et au final, pour tenir notre trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre ». 

« Dans le bâtiment, 47% des émissions de CO2 sont liées au chauffage au gaz. Réduire les énergies fossiles dans ces logements, c'est réduire la facture, c'est réduire notre dépendance à des énergies importées et donc, augmenter notre souveraineté. Et c'est agir contre le dérèglement climatique », a-t-elle déclaré. 

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