Energie-climat : ne dites plus LPEC mais DPEC

LPEC. Un acronyme qu’on aura beaucoup entendu depuis la loi énergie-climat de 2019 mais dont l’oraison funèbre de cette loi de programmation énergie-climat, mort-née, a été prononcée la semaine dernière par le nouveau ministre de l’énergie. Ne dites plus LPEC, mais bien DPEC pour décrets de programmation énergie-climat (DPEC). Décryptage.

Un retard prévisionnel de 18 mois pour la PPE

Initialement prévue pour être adoptée avant le 1er juillet 2023, l’examen de la loi de programmation énergie-climat avait déjà été reportée par l’ancienne ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Plutôt qu’un énième report, le nouveau ministre Roland Lescure a annoncé la semaine dernière dans Le Figaro l’abandon de cette « loi cathédrale » . En lieu et place, la Commission nationale du débat public (CNDP) a été chargée la semaine dernière par le Gouvernement d’assurer une consultation sur la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). D’une durée de deux à trois mois, les résultats de celle-ci seront rendus cet automne, dans l’optique de publier le décret de la PPE avant la fin de l’année. Alors que la LPEC devait sonner le grand soir, finalement le rendu de cette nouvelle PPE sera similaire à celui des deux précédentes : à savoir une consultation préalable du public avant publication au Journal Officiel. En 2018 la CNDP avait déjà été chargée de la consultation sur l’actuelle PPE.

Si le ministre Lescure s’est exprimé concernant le futur décret PPE, le calendrier des autres décrets de la planification énergie-climat reste une inconnue. A savoir le décret fixant la troisième édition de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et celui traduisant le nouveau Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC).

Faute de PPE, le Gouvernement contraint d’anticiper les nouveaux objectifs

Puisque la PPE aurait déjà dû être actée, le Gouvernement se retrouve pris en étau pour l’actualisation de ses politiques publiques énergétiques en découlant. Dernier exemple en date : le régime de l’autoconsommation solaire. En effet, l’arrêté tarifaire dit S21, fixant les tarifs de rachats et le montant de la prime à l’investissement, dépend des objectifs de développement du photovoltaïque... que le Gouvernement se fixe dans la PPE ! Jusqu’au 31 janvier 2024, faute de nouvelle PPE, les tarifs étaient toujours fixés à l’aune de la dernière PPE, entraînant une forte baisse de ceux-ci – les objectifs fixés en 2018 ne reflétant plus du tout l’ampleur du photovoltaïque en France. 

Résultat, la dernière actualisation trimestrielle des tarifs a entraîné le rehaussement anticipé de +38% des objectifs de développement des petites installations PV (dont résidentiel) pour continuer à encourager leur développement, passant de 1,3 à 1,8 GW/an. Une hausse par anticipation de la nouvelle PPE qui doit officiellement fixer ces objectifs, certes encore insuffisant pour inverse la tendance baissière des tarifs, mais qui témoigne des conséquences du retard de la PPE. 

Par ailleurs, alors que la LPEC devait fixer « les niveaux minimal et maximal des obligations d'économies d'énergie [CEE] pour une période de cinq ans », ces niveaux d’obligation ne seront finalement pas consacrés dans la loi, malgré une récente tentative à l’Assemblée. Le futur décret relatif à la 6ème période des CEE pourrait ainsi griller la priorité à la future PPE en inscrivant dans le Code de l’énergie le niveau d’obligation retenu, avant même que la PPE n’en fixe juridiquement la fourchette. En la matière, le désormais caduque projet de LPEC avait retenu une fourchette d’obligation annuelle comprise entre 1250 et 2500 TWhc. L’automne 2024 sera ainsi sous le signe des décrets, à suivre !










[1] Roland Lescure : « Nous construisons les infrastructures énergétiques des cinquante prochaines années », Le Figaro, 10 avril 2024.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

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