La lutte contre la précarité énergétique : priorité de la rénovation énergétique

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La semaine dernière le collectif "Stop à l'exclusion énergétique" a lancé une campagne d’appel aux dons visant à financer le reste à charge des travaux de rénovation des ménages en situation de grande précarité énergétique. Une nouvelle mise en lumière d’une situation qui touche au moins 3,5 millions de ménages et plus de 7 millions de personnes en 2019 selon l’Observatoire Nationale de Précarité Energétique[1] .Selon ce même observatoire, 14% des Français déclarent avoir souffert du froid au cours de l’hiver 2019 pendant au moins 24 heures. Pour 4 ménages sur 10, ce serait causé par une mauvaise isolation thermique de leur logement.

Pourtant, la rénovation énergétique fait l’objet de dispositifs de soutien dédiés aux travaux nécessaires à l’amélioration thermique du logement et à la sortie du statut de passoire thermique, (logements classés F&G), qui concernerait selon le Ministère de la Transition Ecologique 4,8 millions de logement[2] .

Dans le contexte des débats autour de textes structurants pour le secteur de la rénovation énergétiques, quels sont les freins et les perspectives d’amélioration à la lutte contre la précarité énergétique ?

Certains dispositifs d’aides améliorés qui ne touchent pas tous les précaires

La transformation du crédit d’impôt en une prime qui permet d’éviter l’avance de frais a constitué une réelle avancée. Les crédits aujourd’hui alloués à MaPrimeRénov sous l’effet du plan de relance permettent enfin de se rapprocher sans l’atteindre du budget 2018 du Crédit d’impôt à la transition énergétique[3] . Son ouverture aux propriétaires bailleurs ainsi qu'à tous les propriétaires occupants constitue également une avancée importante. Par ailleurs, le programme « Habiter Mieux Sérénité » de l’Anah constitue un accompagnement et un soutien financier dédié aux ménages modestes. Cependant, comme le rappelle la Fondation Abbé Pierre dans son dernier rapport sur l'état du mal-logement en France, les aides sont insuffisamment mobilisées avec comme première cause le manque d’information et de lisibilité[4]. Ainsi, un renforcement de la communication sur la rénovation énergétique et les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique paraît toujours essentielle.

Une 5ème période du dispositif CEE qui menace le soutien aux ménages précaires

Cette réflexion sur l’accompagnement financier des ménages en situation de précarité ne peut éluder le sujet du dispositif CEE dont une partie de l’obligation concerne depuis 2016 les ménages en situation de précarité énergétique. Premier dispositif financier de soutien à la rénovation énergétique, les arbitrages en cours sur la 5ème période des CEE peuvent avoir des conséquences majeures sur l’accompagnement de ces publics fragiles. En effet, le montant de l’obligation précarité dédiée spécifiquement aux ménages précaires n’est pas assez élevé pour absorber les certificats délivrés pendant la 4ème période. Sous l’effet du report des CEE précarité délivré en 4ème période l’obligation précarité serait atteinte en début de 5ème période avec une baisse des aides aux ménages en situation de précarité énergétique qui auront un reste-à-payer conséquent. Cette évolution est à rebours de l’ambition du Gouvernement d’éradiquer les passoires thermiques et il est impératif d’y remédier.

Un reste-à charge et son financement qui demeurent toujours problématique

Les travaux aidés à la fois par MaPrimeRénov et les CEE ne peuvent pas dépasser un plafond d’aide. Ce plafond est de 90% pour les ménages très modestes et de 75% pour les ménages modestes. De cette situation résulte un reste à charge certes faible en proportion mais conséquent en termes de valeur. Avec des aides couvrant 90% des travaux, le reste à charge s’élève en moyenne à 1500 euros pour le changement d’un système de chauffage ce qui bloque la dynamique de rénovation énergétique au profit des plus précaires.

Ce reste-à charge des plus modestes demeure problématique puisque les dispositifs dédiés a son financement ne sont pas ou peu opérants. Avec moins de 36 000 Eco-ptz délivrés en 2019 dont 5% à destination des 3 premiers déciles et 3 Eco-ptz « Habiter Mieux », force est de constater que cela est insuffisant. Les règles de solvabilité appliquées ainsi que la faible rémunération de ce prêt sont les principales barrières à la délivrance de ce dispositif de financement du reste-à-charge. De plus, la mise en œuvre opérationnelle Fonds de Garanti de la Rénovation Energétique (FGRE) a été longue. Couvrant 75% des sinistres des éco-prêts il constitue une des garanties nécessaires à la délivrance des éco-prêts. L’ouverture de ce FGRE à l’ensemble des prêts à la rénovation énergétique des ménages modestes est également une piste d’amélioration.

La rénovation énergétique est souvent appréhendée sous son prisme environnemental mais elle constitue également un immense défi social avec des inégalités dans le logement. Plusieurs décisions récentes sont à saluer à l’image de la fin de l’installation des chaudières à fioul ou l’interdiction progressive de la location des passoires thermiques mais le chemin est encore long et de nombreuses réponses sont encore à apporter. Les travaux de la mission confiée à Olivier Sichel permettront prochainement de faire émerger des propositions pour améliorer le financement de la rénovation énergétique des ménages modestes. Effy, engagé depuis sa création dans la lutte contre ce fléau social et environnemental continue et continuera de se mobiliser pour que l’on puisse enfin y mettre fin.

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