PPL Fraudes aux aides : fumée blanche au Parlement

Députés et sénateurs sont parvenus à un accord la semaine dernière en commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques. Alors que le texte sera définitivement adopté demain à l’Assemblée nationale et le 21 mai au Sénat, Effy décrypte ce qui va changer pour la rénovation énergétique.

Une interdiction du démarchage étendue

Depuis juillet 2020 le démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique était déjà interdit. La future loi fraudes prévoit d’aller plus loin en étendant le champ de cette interdiction à d’autres canaux. Ainsi à compter de la promulgation de la future loi, une interdiction du démarchage dit "numérique" entrera en vigueur pour le secteur de la rénovation énergétique. Une interdiction déjà en vigueur pour le CPF par exemple. 

Concrètement, la future loi vise ici le démarchage par message sur un service de communication interpersonnelle (exemple WhatsApp), sur les réseaux sociaux ou encore par courriel. Les contrats en cours ne seront pas concernés, tout comme les sollicitations en lien avec ce contrat pour proposer des services afférents ou complémentaires. En cas de non-respect de cette interdiction, l’entreprise sera sanctionnée et le contrat sera rendu nul. 

Une sous-traitance plus transparente et mieux encadrée

La future loi fraudes aux aides s’attaque également à la sous-traitance en matière de rénovation énergétique, une mesure de longue date sur le bureau du ministère du Logement. A compter du 1er janvier 2026, dans le cadre d’un chantier de rénovation énergétique aidé (MaPrimeRénov’, CEE, éco-PTZ ou Prêt Avance Rénovation) la sous-traitance sera limitée à deux rangs maximum pour les logements individuels (trois rangs dans le collectif). 

Députés et sénateurs ont également tenu à améliorer la transparence autour de la sous-traitance. Les professionnels ayant recours à des sous-traitants auront l’obligation à compter de la promulgation de la loi de transmettre à leurs clients, avant la conclusion d’un contrat, l’identité des professionnels qui réaliseront les travaux ainsi que leurs attestations de qualification RGE. Le fameux sésame pour ouvrir droit aux aides existantes. 

Enfin, à compter du 1er janvier 2027, pour un chantier de rénovation aidé mais sous-traité, l’entreprise facturant les travaux aura l’obligation d’être elle-même qualifiée RGE. Une mesure ayant fait couler beaucoup d’encre durant l’examen de la PPL et dont un décret devra en définir d’ici 2027 les conditions d’application.

Les pouvoirs de l’ANAH renforcés dans la lutte contre les fraudes

Alors que l’ANAH est au cœur de l’actualité depuis plusieurs semaines, la future loi fraudes prévoit de renforcer ses pouvoirs de contrôle à l’égard des entreprises accompagnant les ménages dans leur projet de rénovation énergétique. En cas de contrôle d’un chantier révélant des non-conformités, l’ANAH pourra suspendre pour 6 mois maximum (renouvelable une fois) le label RGE de l’entreprise ayant réalisé les travaux. Un pouvoir également octroyé par la loi à la DGCCRF. 

Les futurs mandataires ANAH devront également faire patte blanche en apportant des engagements et garanties, notamment de restitution des aides indûment perçues. En cas d’indices de fraudes, le versement de MaPrimeRénov’ sera suspendu. Enfin, l’ANAH pourra prononcer des sanctions pécuniaires contre les mandataires ou Accompagnateurs Rénov’, sanctions qui pourront être rendues publiques sur son site.

Mais justement, que se passera-t-il le cas échéant pour les particuliers qui attendent MaPrimeRénov’ ? C’est aujourd’hui l’un des trous dans la raquette de la politique de rénovation énergétique. Députés et sénateurs ont tranché : un décret pris en Conseil d’Etat devra préciser dans les prochains mois les conditions dans lesquelles le ménage subissant indirectement cette suspension pourra conserver le bénéfice de l’aide octroyée.  

Le dispositif CEE renforcé à l’aube de la 6ème période

Alors que nous sommes toujours en attente de la fixation du niveau d’obligation de la prochaine période des CEE (2026-2030), la future loi contre les fraudes renforce le cadre juridique du dispositif. A l’image de l’ANAH, le pôle national des CEE – en charge de délivrer les aides CEE – voit ses pouvoirs renforcés. Ses agents pourront demain mettre en demeure un acteur du dispositif au moment du dépôt d’un dossier CEE, ou encore suspendre les délais d’instruction en cas de manquement à des obligations déclaratives. La loi vise ici les cas de dossiers d’aides antidatés, pour lesquels les éco-délinquants demandent des aides pour un nombre de chantiers supérieurs au nombre de chantiers déclarés au préalable.

Enfin, les sanctions pécuniaires encourues par les acteurs du dispositif vont être doublées, tandis que de nouveaux contrôles par vidéo à distance ou par le biais de photographies horodatées et géolocalisées seront introduits. La publicité des sanctions prononcées sera également étendue à de nouvelles informations afin de responsabiliser l’ensemble des acteurs intervenus dans le cadre d’un chantier de rénovation jugé frauduleux. 

Victor Breheret

Responsable des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.

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