6ème période des CEE : le changement dans la continuité

Deux ans et quatre ministre chargés de l’énergie : c’est le temps qu’il aura fallu entre le lancement en juillet 2023 d’une consultation sur la 6ème période des CEE et la présentation la semaine dernière en comité de pilotage du dispositif des premiers arbitrages retenus. Décryptage des premières tendances.

Une obligation quinquennale en hausse de +27%/an

C’est à l’occasion d’un comité de pilotage CEE ad hoc auquel Effy participait que Bercy a dévoilé la semaine dernière les grandes lignes de la 6ème période du dispositif, qui doit débuter dès 2026. Objet de fantasmes depuis plusieurs mois, cette nouvelle période ne sera pas un big bang pour les CEE mais plutôt une série d’ajustements par rapport à la 5ème période. Le premier d’entre eux concerne la durée de la « P6 » qui s’étendra pour la première fois sur 5 ans, du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2030. Evoqué lors de la consultation de juillet 2023, le principe d’une réconciliation à mi-période n’a pas été mentionné par Bercy. 

Le Gouvernement a finalement retenu un niveau d’obligation globale de 1 050 TWhc/an, en hausse de +27% par rapport au niveau actuel. Un niveau qui s’inscrit dans la fourchette (basse) du projet de PPE 3, mais qui a le mérite de retenir une indispensable augmentation du niveau d’obligation pour absorber les récentes débudgétisations (bonus écologique, rénovation d’ampleur…). Cette hausse de 27% masque toutefois une baisse du niveau d’obligation précarité – destinée aux ménages très modestes – qui passerait à 280 TWhc/an contre 316 TWhc/an depuis 2023. En résumé, sur ce futur quinquennat CEE, le niveau d’obligation globale à atteindre serait donc de 5 250 TWhc, dont 1 250 TWhc précarité.

Une nouvelle méthode de répartition par énergie

Une fois l’arbitrage tranché en faveur d’une obligation annuelle totale de 1 050 TWhc, l’exécutif devait encore décider de la répartition de celle-ci entre énergies. Une répartition délicate alors que l’ombre de l’ETS-2 – encore non-transposée par la France – pourrait surenchérir le prix des énergies fossiles à partir de 2027. Pour cette raison, Bercy fait le choix en 6ème période de reconduire la même répartition entre énergies qu’applicable en 5ème période. Autrement il n’y aura pas de pondération supplémentaire du contenu carbone des différents types d’énergie.

Mais pour cette 6ème période l’exécutif fait le choix de calculer la répartition du volume d’obligation entre énergies directement en fonction du prévisionnel de consommation fixé pour la France dans le cadre du projet de PPE 3. Une méthode qui conduit de facto à une augmentation de la part d’obligation allouée aux fournisseurs d’électricité en raison d’une part plus importante de l’électricité dans le mix de consommation prévisionnel à horizon 2030. Alors que l’obligation allouée à l’électricité représentait 27,4% de l’obligation P51, sa part passerait à 30,6% pour la P6. Inversement, la tranche d’obligation allouée au carburant diminuerait de 3% pour atteindre 40,7%, tandis que celle du gaz resterait flat à hauteur de 20% de l’obligation totale. Toutes énergies confondues, l’augmentation du niveau d’obligation P6 conduit pour autant à une augmentation générale de l’effort à fournir par l’ensemble des fournisseurs d’énergie.

La lutte contre les fraudes comme point cardinal

Hasard du calendrier, la présentation par le Gouvernement des arbitrages retenus pour la P6 tombait au lendemain de la publication de loi de lutte contre toutes les fraudes aux aides publiques dont l’article 28 prévoit un renforcement du dispositif CEE. Le futur décret P6 – attendu pour l’automne – devra ainsi définir la notion d’incomplétude concernant la mise en place des dispositifs de gestion des risques CEE créés par la loi Climat et résilience. Une évolution réglementaire devra également transposer le principe de reste à charge minimal pour le bénéficiaire également prévu à l’article 28.

L’exécutif souhaite aussi renforcer les moyens et l'organisation dédiés à l’évaluation du dispositif et à la lutte contre la fraude au sein de la DGEC, l’administration en charge des CEE. En matière d’évaluation, la DGEC exigera notamment la récolte des numéros de compteurs communicants des bénéficiaires afin de faciliter le contrôle des opérations mais surtout la collecte des données de consommation après travaux. Une mesure portée par Effy dans sa réponse à la consultation de juillet 2023 que nous sommes fiers de voir aboutir deux années plus tard. Les modalités d'exploitation sont encore inconnues.

Place désormais à la consultation du public sur le projet de décret P6, qui doit ouvrir dans les prochains jours et à laquelle Effy répondra, fidèle à ses engagements de toujours en faveur d’un dispositif accessible et incitatif, aussi bien pour les particuliers que pour la filière.

[1] Note de calcul de l’obligation P5, MTE, avril 2021.

Victor Breheret

Responsable des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.

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