MaPrimeRénov’ : la coupe budgétaire contre-attaque
Depuis plusieurs semaines, une petite musique monte crescendo dans le secteur de la rénovation énergétique : MaPrimeRénov’ serait menacée d’une nouvelle coupe budgétaire pour l’année 2024. Décryptage d’un nouveau rabotage aux conséquences majeures pour la filière.
Le budget 2024 de MaPrimeRénov’ bientôt inférieur à 2023 ?
L’annonce avait surpris tout le monde : mi-février Bruno Le Maire annonçait au 20 heures de TF1 un plan d’économies de 10 milliards d’euros, dont un milliard sur le budget 2024 de MaPrimeRénov’. Alors que son budget devait augmenter de 1,6 milliard d’euros en 2024, cette hausse n’est finalement que de 600 millions d’euros. Pour l’instant.
« Vous évoquez un article de presse qui n’a pas fait l’objet de confirmation ministérielle » Christophe Béchu le 15 mai dernier devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale
Car début mai le journal Les Echos annonçait que le Ministère de la Transition écologique devait trouver jusqu’à 1,4 milliard d’euros d’économies supplémentaires cette année1. Un nouveau coup de rabot susceptible de grignoter encore le budget 2024 de MaPrimeRénov’. Une information rapidement démentie par le ministre Christophe Béchu à l’Assemblée nationale. Malgré ce démenti, le journal Le Monde a confirmé la semaine dernière la perspective d’une baisse d’au moins 1 milliard d’euros pour le ministère de l’écologie, avec « dans le viseur le dispositif MaPrimeRénov’ »2. En cause le retard grandissant depuis le début de l’année par rapport à la trajectoire de rénovations fixées. Si l’information se confirmait, la hausse accordée à MaPrimeRénov’ en 2024 pourrait être annulée, renouant ainsi avec un budget analogue à 2023 [ndlr, 2,4 milliards d’euros].
Le paris risqué d’assainir les finances publiques sur l’autel de MaPrimeRénov’
Comme le souligne l’article du Monde, les rapports successifs ne cessent de souligner l’importance d’offrir à MaPrimeRénov’ stabilité et visibilité. Un deuxième rabotage en cours d’année frapperait le dispositif d’une onde de choc qui mettrait à mal les trajectoires de rénovations fixées par le Gouvernement. Ne sous-estimons pas l’impact sur la filière qu’aurait une baisse du budget : ralentissement des investissements, baisse de l’intérêt du label RGE, baisse de l’activité industrielle associée… Mais aussi l’impact pour les particuliers : une nouvelle baisse renforcerait la confusion des ménages autour de MaPrimeRénov’, allant jusqu’à les amener à penser que l’aide a disparue.
Si le Gouvernement avait justifié le premier coup de rabot par la baisse des demandes de MaPrimeRénov’, les recettes extrabudgétaires de l’ANAH pourraient être avancées comme motif de nouvelle coupe. D’après un rapport d’information de l’Assemblée nationale publié la semaine dernière3, grâce à la valorisation des CEE, par ses soins, depuis le 1er janvier 2024 pour la rénovation d’ampleur, l’ANAH projetterait des recettes associées de l’ordre de 800 millions d’euros en 2024 grâce aux ventes de CEE. Un financement non mentionné dans les annexes budgétaires à la loi de finances pour 2024 mais qui revient bien de droit aux caisses de l’agence.
Vers une coupe budgétaire de MaPrimeRénov’ en fin d’année ?
Pour l’heure le scénario d’une coupe budgétaire en 2024 de MaPrimeRénov’ n’est pas sur la table. Au contraire : le ministre délégué au Logement, Guillaume Kasbarian, a indiqué au Sénat fin mai que le nombre de dossiers MaPrimeRénov’ déposés en janvier et février 2024 avait chuté de -85%. Pourtant un tel scénario pour le dispositif a bien été anticipé par l’exécutif.
En effet le décret de simplification de MaPrimeRénov’ publié en mars dernier prévoit une disposition nouvelle précisant que « la décision d'octroi de la prime est prise dans la limite des autorisations d'engagement annuelles inscrites au budget de l'agence nationale de l'habitat »4. Concrètement, en cas d’épuisement des crédits 2024 alloués à MaPrimeRénov’ d’ici la fin de l’année, aucune décision d’octroi de l’aide ne pourrait être délivrée d’ici à l’adoption du budget 2025 de l’ANAH.
Au final, un nouveau rabotage du budget de MaPrimeRénov’ serait donc contreproductif et produirait à long terme l’effet inverse à celui recherché pour les finances publiques. Par ailleurs, en concédant une énième baisse du budget, le Gouvernement admettrait dès le milieu d’année que les objectifs 2024 de rénovation énergétique ne seront pas atteints.
[1] EXCLUSIF - Economies budgétaires : au moins 1 milliard d'effort supplémentaire pour le ministère de l'Ecologie, Les Echos, 7 mai 2024.
[2] De nouvelles coupes budgétaires planent sur le ministère de la transition écologique, Le Monde, 29 mai 2024.
[3] Rapport d’information sur l’évaluation de l’adaptation des logements aux transitions démographiques et environnementales, Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, Assemblée nationale, 30 mai 2024.
[4] Article 3 du décret n°2024-249 du 21 mars 2024 modifiant le décret n°2020-26 du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique.