La Cour des comptes au chevet de MaPrimeRénov’

Alors que la réforme de MaPrimeRénov’ entrera en vigueur dans 60 jours, la Cour des comptes, missionnée par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale, s’est de nouveau penchée sur le dispositif MaPrimeRénov1. Un rapport saluant ses avancées depuis 2020, ses lacunes d’aujourd’hui mais aussi ses défis de demain. Décryptage.

MaPrimeRénov’ a su monter en puissance depuis 2020

Avec 8,53 milliards d’euros en cumulé sur la période 2020-2023, la progression des moyens alloués à MaPrimeRénov’ depuis sa création « atteste de la montée en puissance du dispositif » salue la Cour des comptes. A ce titre, l’aide MaPrimeRénov’ est devenue en 2022 le premier dispositif de financement de la rénovation énergétique, tout en sachant conserver son ciblage originel sur les ménages les plus modestes. De plus, la Cour prend la défense du dispositif face aux « critiques pour beaucoup infondées », vantant la réduction au global des délais de perception de l’aide entre 2020 et 2022. Ainsi sur le plan quantitatif, le seul reproche adressé par la Cour à MaPrimeRénov’ repose sur la non atteinte en 2022 de l’objectif de 700 000 dossiers MaPrimeRénov’, qui interroge « sur la capacité du dispositif à remplir dans la durée les objectifs fixés ».

L’efficacité (énergétique) gagnerait à être améliorée

Du côté des aides mono-geste, la Cour des comptes salue la « pertinence » d’avoir concentré une part importante de MaPrimeRénov’ sur le changement de chauffage. De quoi crédibiliser la création en 2024 d’un parcours "sortie des énergies fossiles", centré sur le seul remplacement du système de chauffage. Pour autant, la Cour regrette que MaPrimeRénov’ n’ait pas été conçu jusqu’à présent pour accompagner la résorption des passoires énergétiques. Elle pointe notamment du doigt MaPrimeRénov’ Sérénité, dont 61% des passoires bénéficiaires sont encore classées E, F ou G au DPE après travaux. En cause : un gain énergétique de 35% minimum ex ante insuffisant pour sortir du statut de passoires. Une critique déjà annihilée par le Gouvernement puisqu’en en 2024 les passoires ne seront éligibles qu’au parcours "rénovation ambitieuse" de MaPrimeRénov’ afin de réaliser un saut d’au moins 2 classes au DPE. De quoi augmenter sensiblement le nombre de rénovations globales et in fine améliorer les résultats environnementaux du dispositif.

Un label RGE « en rien satisfaisant » aux yeux de la Cour des comptes

Pour la Cour des comptes le constat est sans appel : il est l’heure pour la filière du bâtiment « d’entamer une mutation substantielle », avec en ligne de mire le système de certification RGE qui « n’est en rien satisfaisant ». La stagnation apparente du nombre d’entreprises RGE masque en réalité des fortes variations infra-qualifications, au gré des évolutions règlementaires des aides publiques souligne la Cour.

Le label RGE n’est qu’une portée d’entrée aux aides publiques par les entreprises, et non un outil de capitalisation des compétences - Clarisse Mazoyer, conseillère maître2

Quand des dispositifs cessent de subventionner un geste, les entreprises ne demandent pas le renouvellement de leur qualification RGE analyse la Cour. A l’inverse, quand des dispositifs subventionnent un nouveau geste, les demandes de qualifications affluent. C’est pour cette raison que le nombre d’entreprises RGE n’augmente pas dans le temps et que l’objectif gouvernemental de 250 000 labellisations en 2028 ne sera pas atteint – objectif dont le chiffrage « ne semble pas reposer sur une analyse documentée » souligne le rapport. Pour cette raison, la Cour des comptes préconise de prioriser les chantiers assurant une qualité des travaux, au-delà du label RGE. 

Des préconisations de la Cour des comptes suivies de près par l'exécutif

Dans un référé adressé à la Première ministre en juillet 2022, la Cour des comptes s’était montrée particulièrement sévère envers la politique publique de rénovation énergétique3. Des critiques entendues et pour partie résorbées à travers la réforme 2024 de MaPrimeRénov’. Premièrement, alors que la rue Cambon invitait le Gouvernement à clarifier et simplifier les dispositifs existants, Elisabeth Borne laissait déjà entrevoir il y a un an dans sa réponse la réforme 2024 de MaPrimeRénov’. « Les travaux de mon Gouvernement se poursuivront […] pour aboutir en 2024 à un système plus simple, plus lisible et qui incite davantage à la réalisation de rénovations énergétiques performantes et globales » écrivait la Première ministre4. Un an plus tard, cet extrait fait écho à la création du parcours "rénovation ambitieuse" de MaPrimeRénov’, dont les CEE seront valorisés par l’ANAH dans un souci de simplification du parcours usager.

Deuxièmement, la Cour des comptes invitait le Gouvernement à mieux s’appuyer sur la donnée pour mesurer l’efficacité des dispositifs de rénovation énergétique. Rappelant la réforme du DPE, la Première indiquait alors que « sa prise en compte dans le calcul des aides [était] aussi une piste envisagée par le gouvernement pour mieux cibler les logements les plus énergivores et encourager les rénovations plus ambitieuses ». Un an plus tard, le Gouvernement a annoncé que la réalisation d’un DPE sera obligatoire pour bénéficier en 2024 des aides mono-geste MaPrimeRénov’ afin de détecter les passoires thermiques et les orienter vers une rénovation ambitieuse. Des évolutions qui révèlent l’attention toute particulière de l’exécutif aux recommandations formulées par la Cour des comptes.


            À travers ce rapport d’évaluation, la Cour des comptes prend déjà rendez-vous avec la réforme MaPrimeRénov’ afin d’en évaluer l’atterrissage une fois mise en œuvre, et notamment « l’effort de réorientation en faveur des rénovations globales ». Au-delà des financements publics, la Cour sera également vigilante à la mobilisation du secteur bancaire à distribuer effectivement les produits financiers existants, pour réduire le reste à charge et ainsi réussir l’objectif ambitieux de 200 000 rénovations globales en 2024.






[1] Le soutien aux logements face aux évolutions climatiques et au vieillissement de la population, Cour des comptes, 26 octobre 2023.
[2] Audition de la Cour des comptes sur le soutien aux logements face aux évolutions climatiques et au vieillissement de la population, Assemblée nationale, 26 octobre 2022.
[3] La rénovation énergétique des bâtiments, Référé S2022-1527, Cour des comptes, 28 juillet 2022.
[4] Réponse de la Première ministre au référé portant sur la rénovation énergétique des bâtiments, 27 octobre 2022.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.