Le visage de la 6ème période du dispositif des CEE se dessine

Près de 900 jours avant son début, le ministère de la Transition énergétique a lancé à la veille du 14 juillet la phase de concertation sur les contours de la 6ème période des CEE. Cette concertation anticipée offre une visibilité inédite aux acteurs du dispositif : pour comparaison, la concertation sur la 5ème période n’avait été ouverte qu’un an et demi seulement avant son début. Et puisqu’une concertation peut en cacher une autre, le ministère en profite également pour concerter sur un rehaussement dès 2025 de l’obligation CEE. Décryptage d’un changement de dimension pour le dispositif.

Une 6ème période des CEE élargie à tous les niveaux

Après plusieurs semaines de rumeurs, la DGEC joue cartes sur table en affichant sa volonté en 6ème période de « viser un niveau d’obligation de l’ordre de 2 fois l’obligation annuelle de 5ème période », soit environ 1600 TWhc/an ! Un doublement rendu nécessaire par la révision de la directive efficacité énergétique qui impose à la France de baisser sa consommation d’énergie finale de 406 TWh d’énergie finale d’ici 2030 (par rapport à 2019) rappelle le document de concertation. Avec un tel niveau d’obligation, le ministère remet sur le devant de la scène les travaux de la Convention citoyenne pour le climat qui proposait un niveau d’obligation annuelle comparable. En tout état de cause, le dispositif conserverait en 6ème période un niveau d’obligation précarité énergétique à hauteur d’environ 30% de l’obligation dite classique.

Pour la première fois dans l’histoire du dispositif, il est également proposé que la 6ème période soit calquée sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, pour s’étendre sur 5 ans, du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2030. Pour rappel, la 5ème période avait déjà rompu avec la tradition triennale des périodes CEE en fixant dès le début une durée de 4 ans.

Enfin, le ministère interroge les acteurs sur l’inclusion d’autres types d’énergie à l’assiette de l’obligation (bioéthanol ED95, diesel B100, kérosène de l’aviation…), la suppression des seuils-franchises déclenchant le statut d’obligé ou sur l’élargissement à de nouveaux secteurs des volumes d’énergie vendus. Des pistes déjà envisagées en 2020 lors de la concertation sur la 5ème période mais qui n’avaient pas abouties. Trois ans plus tard, la donne pourrait bien être différente afin d’absorber l’augmentation attendue de l’obligation CEE. 

Vers un rehaussement dès 2025 de l’obligation CEE

Afin d'assurer une « montée en puissance progressive » des efforts attendus en 6ème période, le ministère propose de rehausser dès la fin de 5ème période le rythme d’économies d’énergie à réaliser. C’est pourquoi l’obligation annuelle de 2025 pourrait être rehaussée de 400 TWhc, dont 70 TWhc d’obligation précarité, portant ainsi l’obligation globale de 5ème période à 3500 TWhc. Sur ce point, Effy préconise d’aller plus loin dans la progressivité en rehaussant ladite obligation en deux temps : +200 TWhc dès 2024 puis +200 TWhc en 2025. Le rehaussement d’une partie de l’obligation dès le 1er janvier 2024 aurait le mérite de se calquer avec la réforme à venir du dispositif MaPrimeRénov’.

Obligation de résultat et modulation carbone : les chantiers de la 6ème période

La concertation suggère d’orienter le dispositif vers une logique d’obligation de résultat dans le secteur du bâtiment afin d’attester des économies d’énergie réelles réalisées grâce aux travaux financés par les CEE. Concrètement, un fournisseur d’énergie pourrait être « obligé à une réduction (en % par an) des volumes délivrés à son portefeuille client » suggère le document de concertation. Cette évolution constituerait un changement de paradigme pour le dispositif alors même que son pendant MaPrimeRénov’, pourtant financé par des crédits publics, est muet quant à la mesure des économies d’énergie réelles.

Dans un contexte de décarbonation du secteur du bâtiment, le ministère de la Transition énergétique avance en parallèle ses pions pour revoir le calcul de la répartition de l’obligation. Aujourd’hui calculée selon les volumes d’énergie vendus, la DGEC propose d’y adjoindre, à hauteur de 25%, la prise en compte du contenu carbone des différents types d’énergie. Avec une telle pondération, l’obligation prévisionnelle des fournisseurs de carburant en 6ème période augmenterait de 12% quand celle des fournisseurs d’électricité diminuerait de 18%. Cette prise en compte du contenu carbone des énergies lors de la répartition de l’obligation n’est pas une surprise : l’ADEME l’avait présenté en 2021 dans un rapport1 comme la modalité la plus performante pour introduire une composante carbone au dispositif des CEE . 

L’année 2024 en ligne de mire pour finaliser le cadre de la 6ème période

L’ouverture anticipée de cette concertation devra maintenant être suivie d’effet dans sa déclinaison réglementaire pour ne pas reproduire les erreurs de la 5ème période : le projet de décret fixant le volume d’obligation n’avait été publié qu’avec 6 mois d’avance. En l’espèce, le document de concertation avance comme calendrier une présentation du projet de décret de la 6ème période début 2024. L’éventuel décret rehaussant le niveau d’obligation pour l’année 2025 serait quant à lui publié au Journal Officiel en début d’année prochaine.





[1] ADEME, ATEMA Conseil, Philippe BERTRAND. BURGEAP, Thibault LACHESNAIE, Fabrice PETITFRERE, Salomé BAKALOGLOU. 2021. Etude exploratoire sur l’intégration d’une composante carbone dans le dispositif des CEE.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.