PPL Fraudes aux aides : un nouvel arsenal pour la rénovation

Les sénateurs ont adopté la semaine dernière la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques. Un texte où la rénovation énergétique occupe une place centrale, en s’attaquant tant aux fraudes sur les aides versées qu’à l’amélioration de la transparence pour les ménages. En attendant la commission mixte paritaire sur le texte, Effy décrypte les nouveautés qui vont chambouler le marché de la rénovation.

N.B. : une commission mixte paritaire doit se réunir le 6 mai prochain afin de parvenir à un accord entre députés et sénateurs sur les mesures qui suivent. L’adoption définitive du texte est prévue en mai à l’Assemblée nationale.

Restaurer la confiance dans le label RGE

Depuis plusieurs années, le signe de qualité Reconnu Garant de l’Environnement (RGE) est régulièrement décrié, et ce malgré sa réforme en 2020. Afin de restaurer la confiance des ménages, la PPL prévoit d’obligation de transmettre au client l’attestation de qualification RGE de l’entreprise réalisant les travaux, afin de lui en assurer l’éligibilité aux aides publiques. En cas de recours à la sous-traitance – dans la limite de 2 rangs dès 2026 en logement individuel – le client devra par ailleurs être informé de l’identité du/des sous-traitant en amont de la conclusion du contrat de travaux. D’aucuns pourraient considérer ces mesures comme superficielles, mais elles doivent au contraire permettre de lutter contre les entreprises non qualifiées.

S’agissant de l’obligation pour l’entreprise facturant les travaux d’être qualifiée RGE pour recourir à la sous-traitance, les sénateurs sont parvenus à une position intermédiaire. Cette obligation ne rentrera en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2027 et devra être précisée par décret. Un temps nécessaire pour développer un signe de qualité adapté aux grandes surfaces de bricolage.

Enfin, en cas de non-conformité d’une entreprise qualifiée à la réglementation, la DGCCRF aura le pouvoir de suspendre pour 6 mois (renouvelable une fois) son label RGE. Un pouvoir étendu à l’ANAH suite à l’adoption d’un amendement du Gouvernement, qui renforce considérablement le pouvoir de l’agence chargée de MaPrimeRénov’. À noter que la DGCCRF pourra également suspendre l’agrément délivré à un Accompagnateur Rénov’. Agrément qui, s’il est définitivement retiré, permettra au client de résilier de plein droit et sans frais son contrat d’accompagnement sous conditions.

Un big-bang pour le dispositif des CEE ?

L’article 4 de la PPL fraudes procède à une révision d’ampleur du Code de l’énergie s’agissant des Certificats d’économies d’énergie (CEE), la plus importante depuis la loi énergie-climat de 2019. Le changement le plus notable concerne l’ensemble des demandeurs puisqu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi, toute demande de CEE vaudra attestation par le demandeur de la conformité des opérations d’économies d’énergie déposées. Cela change quoi ? Et bien à l’image de l’administration fiscale, le pôle national des CEE n’aura plus la charge de valider les demandes de CEE mais bien de les contrôler. Un changement notable qui va conduire à engager la responsabilité du déposant, offrant ainsi à l’administration une nouvelle base légale pour sanctionner des manquements avant délivrance des CEE.
 

« Les CEE sont un mécanisme qui est utile » | Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, au Sénat le 2 avril 2025


Le texte procède également à une série d’évolutions sur les modalités du dispositif. En cas de manquement, les sanctions pécuniaires encourues seront doublées et étendues à la mise en œuvre complète des procédures de gestion des risques prévues par la loi Climat et résilience. La transparence des sanctions prononcées par le ministre chargé de l’énergie sera également étendue à de nouvelles informations. Enfin, des contrôles par photographie ou vidéo à distance seront mis en place dans le cadre du dispositif pour une liste d’opérations qui sera définie par arrêté. 

Une avancée majeure contre le démarchage

Depuis juillet 2020, le démarchage téléphonique était déjà interdit s'agissant des travaux de rénovation énergétique ou d'installation de panneaux solaires. La PPL lutte contre les fraudes aux aides publiques va plus loin en interdisant les autres formes de démarchage que sont les communications interpersonnelles, par le biais des réseaux sociaux ou courriels, pour ces mêmes travaux, sauf lorsqu'un contrat a déjà été conclu. Concrètement, sont ici visés les échanges personnels.

Enfin, à l’initiative de l’ancien rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique, les sénateurs ont adopté une mesure… hasardeuse. Demain, tout support de promotion ou de publicité proposant des travaux de rénovation énergétique, notamment sur internet, devra mentionner l’existence du réseau France Rénov’ et inviter les particuliers à s’en rapprocher. Une disposition certes renvoyée à la prise d’un arrêté, mais qui risque de conduire à des confusions inutiles aux yeux des ménages, alors même que l’atteinte de nos objectifs de rénovation requiert la mobilisation de l’ensemble de la filière !

Victor Breheret

Responsable des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.

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