Interdiction de location des logements G+ : quels sont les recours existants pour les locataires ?
[INTERVIEW] Depuis le 1er janvier dernier, les logements G+ sont soumis à une interdiction de location. Cette interdiction porte sur les nouveaux baux conclus, ainsi que les renouvellements. Selon les situations, quels sont les recours possibles pour les locataires ? Nous avons interrogé Michel Veneau, président de l’Union nationale des locataires (UNLI), et Maître Natalia Yankelevich, avocate spécialisée en droit immobilier, pour en savoir plus.
Effy : Depuis le 1er janvier dernier, les logements G+ sont interdits à la location. Cette interdiction porte sur les nouveaux baux conclus ou renouvelés. Qu’est-ce que cela implique ?
Michel Veneau : On constate déjà que de nombreux propriétaires veulent vendre leurs logements énergivores et ce pour plusieurs raisons. Certains bailleurs ont les moyens d’entreprendre des travaux de rénovation pour remettre ces biens sur le marché locatif, mais pas tous. Ensuite, on imagine qu’après cette interdiction de location, suivra une interdiction de vente. Le locataire d’un logement énergivore se retrouve parfois coincé, sans savoir quoi faire.
Je suis locataire d’un logement G+. Quels sont mes recours pour obliger mon propriétaire bailleur à faire des travaux ?
Il n’y a pas encore de jurisprudence, donc il faut voir au fil du temps, mais le locataire peut exiger du bailleur qu'il fasse des travaux de rénovation. Il faut envoyer une lettre recommandée au bailleur, en précisant les travaux à réaliser en priorité (remplacer les fenêtres, remplacer les convecteurs, etc.). Si le courrier reste sans réponse, il faut inciter le locataire à saisir la commission départementale de conciliation. La demande est gratuite et se fait directement sur le site internet des préfectures.
💡 Les précisions de Maître Yankelevich :
Le locataire a toujours eu des recours possibles, dans la mesure où le DPE a une force contraignante. Pour des travaux obligatoires à la charge du propriétaire (remises en état, remises aux normes, etc.), il peut passer devant la commission de conciliation pour une procédure à l’amiable. Cette commission n’a pas de pouvoir coercitif : soit on arrive à concilier les parties avec un procès-verbal de conciliation à l’issue de la réunion, soit il n’y en a pas et le locataire peut alors saisir le tribunal.
Mon propriétaire bailleur me dit que c’est à moi de faire des travaux de rénovation. Que faire ?
Les travaux à la charge du locataire ne concernent que les travaux d’entretien, comme le remplacement d’une serrure par exemple, ou l’entretien d’un chauffe-eau. Les travaux d’isolation ou de chauffage sont quant à eux à la charge du propriétaire. Si le propriétaire répond au locataire que c’est à lui de prendre en charge ces travaux, il faut que le locataire fasse une lettre recommandée, puis qu’il saisisse la commission départementale de conciliation.
💡 Les précisions de Maître Yankelevich :
Si le propriétaire refuse de faire les travaux, le locataire peut passer par la commission de conciliation ou saisir directement le juge. Pour cela, il y a deux options : il peut soit passer par une désignation par le juridictionnel d’un avocat qui rédige une assignation (un acte par lequel le demandeur établit les faits et énumère ce qui est reproché au propriétaire), soit il fait une requête directement auprès du tribunal, sans avocat. Ce contentieux ne nécessite pas forcément la présence d’un avocat.
Je suis locataire d’un logement, mais mon propriétaire bailleur ne m’a pas donné de DPE, alors que c’est obligatoire. Que puis-je faire ?
Le locataire peut exiger du propriétaire qu'il lui fournisse le DPE du logement via une lettre recommandée. Si le courrier reste sans réponse, dans ce cas, la saisie de la commission départementale est une bonne alternative. Le locataire peut alors éventuellement demander un dommage comme une réduction de loyer.
💡 Les précisions de Maître Yankelevich :
La première étape est de faire une lettre recommandée auprès du bailleur pour lui demander de transmettre le DPE du bien. Si le propriétaire ne répond pas sur la mise en demeure, il faut faire la saisine du tribunal pour mettre en conformité le bail. Ensuite, il y a plusieurs possibilités : le locataire peut soit recevoir des dommages et intérêts, soit bénéficier d’une diminution du loyer. Mais pour cela, il doit être en mesure de démontrer un préjudice du fait qu’il n’y ait pas eu de DPE.
Mon propriétaire m’a fourni un DPE, mais je sens qu’il ne représente pas bien la réalité. Que faire ?
Il faut que le locataire fasse établir un nouveau DPE auprès d’un diagnostiqueur qui montre qu’il existe une différence de classe énergétique. Ensuite, il peut envoyer un courrier recommandé à son propriétaire en montrant qu’il y a eu tromperie et en demandant une diminution du loyer. S’il n’y a pas de retour, le locataire peut passer devant une commission départementale de conciliation, et éventuellement aller en justice, dans le cas où le propriétaire ne veuille rien savoir.
Mon propriétaire a augmenté le loyer de mon logement classé F ou G, et ce, malgré l’interdiction d’augmentation des loyers en vigueur depuis le 24 août dernier. Que faire ?
Le locataire doit refuser l’augmentation puisqu’un texte de loi empêche l’augmentation des loyers sur ce type de bien. Si le bailleur va devant le tribunal pour réclamer son dû et éventuellement résilier le bail, il sera débouté. Le bailleur sera mis en cause.
💡 Les précisions de Maître Yankelevich :
Le locataire n’a pas intérêt à payer. Il fait alors une réponse circonstanciée au bailleur en lettre recommandée, en indiquant qu’il n’a pas le droit d’augmenter le loyer selon la loi. Si le bailleur insiste, soit le locataire saisit de lui-même le tribunal en disant qu’il y a une augmentation de loyer injustifiée et demande au juge d’invalider cette augmentation de loyer, soit le locataire ne fait rien, ce qui constitue une dette aux yeux du bailleur. Dans ce cas, c’est lui qui saisira le tribunal pour défaut de paiement.
Je suis locataire d’un logement classé G+. Mon propriétaire souhaite faire des travaux mais la copropriété refuse. Quels sont mes recours ?
Le processus est le même : le locataire doit envoyer une lettre recommandée à son propriétaire. Celui-ci se tournera alors vers la copropriété, mais si elle refuse, les recours seront très difficiles pour les locataires comme pour les bailleurs.
💡 Les précisions de Maître Yankelevich :
Pour les questions de façade et notamment pour les fenêtres, si elles sont à l’identique, mais qu’elles sont plus efficaces, une autorisation de la copropriété n'est pas nécessaire. Mais quels pourraient être les autres travaux qu’un propriétaire voudrait faire qui nécessiterait une autorisation de la copropriété ? En réalité, il y en a peu.
Locataires : les étapes à suivre en cas de contentieux selon Maître Yankelevich
Maître Yankelevich : En cas de problème, le locataire doit suivre 3 étapes :
- envoyer une lettre recommandée à son propriétaire indiquant la source du problème ;
- si le courrier reste sans réponse, le locataire peut saisir la commission de conciliation ;
- si cela ne suffit pas, il peut faire une saisine du tribunal.
Le locataire a aussi la possibilité de saisir un conciliateur de justice dans les maisons de justice de quartier pour régler le problème à l’amiable. Le conciliateur de justice et la commission de conciliation sont deux procédures qui permettent de trouver un accord à l'amiable, et d’éviter de passer devant le juge.
3 conseils aux locataires de Maître Yankelevich
1. S’il y a des dysfonctionnements, il faut que le locataire le fasse savoir tout de suite, à travers des actes justifiés et justifiables, notamment par l’envoi d’une lettre recommandée. Une lettre simple ne permet pas de prouver qu’elle a été envoyée, ni qu’elle a été reçue par le destinataire. Le mail peut aussi poser problème puisque certaines boîtes mail ne permettent pas de savoir s’il a été lu ou même reçu.
2. Je conseille aux locataires de faire au mieux pour que l’origine du contentieux soit réglé à l’amiable. Partir en contentieux est possible, mais les procédures sont longues. Il faut compter plusieurs mois de procédure, voire plusieurs années en cas d’appel de la décision.
3. Enfin, il faut que le locataire fasse attention au moment de l’état des lieux et de son entrée dans le bien. Il doit vérifier que tout est correct et si ce n’est pas le cas, en faire état le plus rapidement possible.
Réalisez un bilan énergétique gratuit en 5 minutes
Identifiez les travaux d'économies d'énergie adaptés à votre logement.