Coût d’abattement du logement : quels enseignements pour la rénovation énergétique ?

France Stratégie a récemment publié le cinquième volet de ses publication sur les coûts d’abattements sectoriels[1]. Le coût d’abattement ou le coût financier rapporté aux émissions évitées est une clef de lecture qui avait déjà été utilisée par l’organisme gouvernemental pour les transports, l’électricité ainsi que l’hydrogène. Quelles sont les conclusions pour le logement dans cette étude qui aborde surtout la rénovation énergétique au regard du coût socioéconomique ?

Point d’étape du chemin à parcourir d’ici 2030

La première partie du rapport "Logement"  de France Stratégie[2] présente le poids du secteur résidentiel et tertiaire en termes d’émissions de co2 et fait le point par rapport aux objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). À travers notamment l'utilisation d’autres données publiques récentes[3], il est notamment mis en exergue que ce secteur est le principal consommateur d’énergie en France (44 % de la consommation totale finale) mais ne demeure que le quatrième secteur le plus émetteur (17%). L’explication avancée par l’étude est le poids élevé de l’électricité dans ce secteur.

Concernant la SNBC, le rapport rappelle l'objectif de baisse pour le secteur résidentiel-tertiaire de 50 % des émissions de CO2 d’ici 2030 par rapport à 2015. Selon le document, du chemin a été parcouru puisqu’en 2019, le niveau des émissions est de 18 % inférieur à celui de 1990. Cependant, il demeure encore beaucoup à réaliser avec une nécessaire réduction des émissions actuelles estimées à environ 40 % d’ici à 2030 dans un parc qui en 2050 devrait être constitué à 70% d’immeubles construits avant 2012, ne respectant pas la norme BBC.

Approche socioéconomique des rénovations énergétiques globales : prioriser les logements passoires thermiques et les logements chauffés aux énergies fossiles.

Le rapport écarte d’abord l’étude des rénovations par gestes, au motif qu’« il apparaît difficile d’évaluer la pertinence des rénovations actuelles, largement constituées de rénovations par gestes, à l’aune de leurs coûts d’abattement sans indication du chemin global qui permettra d’atteindre les objectifs fixés ». Par conséquent, en dehors des raccordements à un réseau de chaleur, l’étude s’est focalisée sur les les rénovations globales de différentes catégories de logements puisque « les objectifs de réduction des émissions nécessitent d’atteindre des niveaux de performance élevés ». Ainsi, c'est  le coût d’abattement de six types d’actions visant une étiquette DPE après rénovation A, B ou C avec ou sans décarbonation du vecteur de chauffage et avec la prise en compte de l’effet rebond et des co-bénéfices de santé, qui a été étudié.

Premier enseignement, le quart des logements qui émet le plus de Co2 représenterait plus de la moitié des émissions totales du parc. Parmi ces logements les plus émetteurs, l’étude dénombrerait seulement 20 % de passoires thermiques (logements F & G). Le reste serait constitué de logements de performance D&E. Deuxième conclusion de France Stratégie, un peu plus de 5 % des rénovations complètes (vers un niveau BBC) apparaissent aujourd’hui socioéconomiquement rentables indépendamment de l’enjeu climatique (sans prise en compte d'une valeur du carbone). C’est très faible. Selon l’étude, les coûts d’abattement négatifs ne concerneraient que les rénovations des passoires thermiques occupées par des ménages en situation de précarité énergétique et dont la rénovation engendre des gains sanitaires importants malgré un potentiel d’abattement de CO2 qui est caractérisé comme faible.

Troisième conclusion, sans surprise, les autres actions prioritaires concernent la rénovation très performante avec changement de vecteur de chauffage pour tous les logements chauffés au fioul, les passoires thermiques chauffées au gaz qui ont les coûts d’abattement les plus faibles, ainsi que les logements occupés par les ménages en situation de précarité énergétique. Ainsi, toujours selon l’étude, une rénovation permettant d’atteindre l’étiquette B avec électrification serait « socioéconomiquement rentable pour 5,8 millions de logements » (ceux chauffés au fioul et un peu plus de la moitié des logements F et G chauffés au gaz) et permettrait « la baisse des émissions annuelles moyennes de l’ordre d’un quart sur les trente prochaines années par rapport au niveau de 2018 ». Ensuite, le rapport préconise la rénovation « socioéconomiquement » rentable de plus de 12 millions de logements d’ici 2030, pour atteindre le niveau B avec électrification, ce qui implique quasiment la suppression du fioul et du gaz dans les logements. Toutefois, comme le rappellent les auteurs du rapport : « l’incertitude sur cette rentabilité et sur les coûts d’abattement dans le secteur résidentiel en général reste toutefois grande ».

Renforcer les moyens vers les passoires thermiques et des rénovations plus ambitieuses

Avec le décret mettant fin depuis l’été dernier à l’installation de nouvelles chaudières fioul[4] ainsi que les différentes aides bonifiées pour le remplacement des chaudières à énergies fossiles par des systèmes de chauffage fonctionnant aux énergies renouvelables (coup de boost CEE, bonus MaPrimeRénov’), les politiques publiques s’orientent d’ores et déjà massivement vers le changement de systèmes de chauffage. Si cette orientation demeure une nécessité, le parc de résidences principales compte toujours 5,2 millions de passoires thermiques au 1er janvier 2022. Par conséquent, l’accompagnement vers des travaux plus ambitieux demeure impératif pour accélérer la baisse de consommation d’énergie mais également d’émissions de Co2 du parc résidentiel. Pour améliorer la situation, il faut que les travaux d’isolation puissent être mieux soutenus par les aides à la rénovation énergétique puisque préalables à l’installation d’un nouveau système de chauffage.

Cette étude confirme la problématique que constitue actuellement les rénovations globales, « puisque seulement un peu plus de 5 % des rénovations complètes apparaissent socioéconomiquement rentables indépendamment de l’enjeu climatique » aujourd’hui. Par conséquent, un meilleur ciblage des aides vers les rénovations globales, notamment par étapes de travaux, demeure nécessaire. Il faut davantage accompagner les ménages pour qu’ils puissent entamer des parcours de rénovation plus ambitieux, en phase avec nos objectifs  SNBC à horizon 2030 puis 2050.

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