Passoires énergétiques : un chantier immense dans le contexte de l'entrée en vigueur des dispositifs dédiés

Après plusieurs reports, l’audit énergétique obligatoire lors de la vente de logements individuels d’étiquettes F&G est enfin entré en vigueur. Aux côtés de l’arsenal mis en place par la loi Climat-Résilience (gel des loyers, interdiction de location), l’entrée en vigueur de l’audit réglementaire est une bonne nouvelle. Cependant, elle constitue également un réel enjeu aux côtés des autres mesures de la loi Climat-Résilience : la fin des passoires thermiques et l’amélioration de la performance du parc résidentiel.

Contexte : augmentation des ventes des passoires thermiques.

Selon les chiffres présentés lors de la conférence de presse immobilière nationale 2022 du Conseil supérieur du notariat[1], entre 17 et 18% des logements anciens vendus sur les trois premiers trimestres 2022 sont des passoires thermiques, alors qu’ils représentaient en moyenne de 11% des ventes des logements anciens lors des trois premiers trimestres 2021. Le nombre de transactions entre le 1er janvier et le 30 novembre 2022 étant de 1,12 millions[2] (soit un peu plus de 100 000 transactions par mois), si la tendance se confirmait, il y aurait plus de 200 000 passoires thermiques vendues en 2022[3]. Cela représente un peu plus de logements que ceux du parc locatif G+ visé par une interdiction de location depuis le 1er janvier dernier.

Cette augmentation conséquente qui concerne à la fois les logements F et les logements G, est surement due, au moins partiellement, aux interdictions et obligations progressives relatives aux logements passoires thermiques prévues par la loi Climat-Résilience dont le débat et la promulgation ont eu lieu en 2021.

L’entrée en vigueur de l’audit énergétique réglementaire

Initialement prévue au 1er septembre 2022, l'entrée en vigueur de la réalisation d’un audit énergétique obligatoire lors de la vente d’une passoire thermique en monopropriété a été reportée dans un premier temps au 1er janvier 2023 puis au 1er avril 2023. Selon le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, les conditions n’étaient pas remplies pour maintenir dans de bonnes conditions l’entrée en vigueur à la date initialement prévue[4] en raison d’« un manque d’entreprises et de professionnels qualifiés »[5] Depuis quelques jours, cette obligation est enfin entrée en vigueur et cet audit énergétique réglementaire doit être transmis au potentiel futur acquéreur du logement. Les logements concernés sont ceux qui font l’objet d’une promesse de vente ou, à défaut, d’un acte de vente signés depuis le 1er avril 2023. L’ensemble des dispositions encadrant cet audit, et notamment les scenarios de travaux qu’il contient, sont retranscrites dans le décret et l’arrêté du 4 mai 2022.

Passer de l’audit énergétique aux travaux de rénovation énergétique

Contrairement aux propriétaires bailleurs, les propriétaires occupants des logements les moins performants n’ont pas d’interdictions qui pèsent sur leur bien. Par conséquent, la transmission d’un audit énergétique avec des scenarios de travaux, même ambitieux, n’emporte pas de facto la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique et climatique du bien une fois ce dernier acquis. Pour sortir du statut de passoire thermique, l’idéal demeure la réalisation de plusieurs travaux de rénovation énergétique ou une rénovation globale permettant de réduire de 55% la consommation d’énergie après travaux.

Au regard des récents chiffres 2022 de l’Anah[6], toujours aussi peu satisfaisants en matière de rénovation globale[7], l’enjeu principal demeure d’embarquer les nouveaux acquéreurs de passoires thermiques vers des rénovation énergétique multigestes et/ou globales en 2023. Le renforcement des forfaits MaPrimeRénov’ « rénovation globale » depuis le 1er février permettra peut-être d’améliorer un marché qui peine toujours à décoller. Au regard de ces chiffres, un des principaux enjeux de l’audit énergétique réglementaire sera d’amener les récents propriétaires de passoires thermiques ayant reçu un audit réglementaire depuis le 1er avril, à réaliser des travaux de rénovation énergétique. Un autre enjeu central sera d’identifier les passoires thermiques récemment vendues mais qui ne sont pas concernées par l’audit réglementaire. Il demeure essentiel que ces récent propriétaires[8] soient incités à réaliser des audits énergétiques volontaires puis à réaliser des travaux de rénovation énergétique afin que ces dernières ne puissent constituer un angle mort de la politique d’éradication des passoires thermiques.



Dans un contexte de nécessaire accélération de la politique publique de rénovation énergétique, qui passera par la réussite de l’arsenal mis en place dans le cadre de la loi Climat-Résilience, le Ministre chargé du logement, Olivier Klein, a annoncé[9] qu’une « feuille de route destinée à suivre régulièrement l’avancement de la réhabilitation dans l’habitat privé » sera prochainement établie afin de « tenir nos engagements de faire disparaître les passoires thermiques et donc de permettre à nos concitoyens de ne plus vivre dans ces conditions ». Nous espérons qu’au-delà du suivi essentiel de l’avancement des travaux de rénovation énergétique et des sorties de passoires thermiques, cette feuille de route tout comme le second volet du plan de sobriété comporteront des moyens supplémentaires concrets pour mieux accompagner les particuliers à réaliser les travaux nécessaires à la réalisation de nos objectifs

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