Rénovation énergétique : des milliards d'euros supplémentaires pour quoi faire ?

MaPrimeRénov’ est au cœur de l’actualité de ces derniers jours. Le récent référé de la Cour des comptes sur la prime ainsi que les débats parlementaires sur le budget du dispositif, en amont du déclenchement de la procédure de « 49.3 », questionnent à nouveau le calibrage du dispositif et son ambition.

Un débat parlementaire qui met en exergue le besoin de moyens supplémentaires

Lundi dernier a débuté le tant attendu examen en séance publique des crédits du programme budgétaire « Energie, Climat et Après-mines » qui porte notamment les crédits ordinaires de MaPrimeRénov’. Avec un budget de 2,45 millions d’euros pour 2023, soit une légère hausse par rapport au budget 2022[1] et dans un contexte où le Gouvernement souhaite cibler davantage de rénovations énergétiques performantes et globales[2], il semblait donc nécessaire d’augmenter le budget de ce dispositif central pour améliorer la performance énergétique et climatique du parc de logements.

Dans le cadre de ce débat parlementaire, deux amendements prévoyant respectivement une hausse de 5 milliards d’euros[3] et de 6,8 milliards d’euros[4] du budget de MaPrimeRénov’ ont été adopté par l’Assemblée nationale. En cumulé, ces amendements ont porté le budget de la prime à plus de 14 milliards d’euros. Cependant, le Gouvernement n’a pas souhaité augmenter les crédits du dispositif dans le cadre du texte qu’il a retenu à la suite du déclenchement de la procédure prévue à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

L'alerte de la Cour des comptes sur la politique de rénovation énergétique

Très récemment, la Cour des comptes a également publié un référé sur le sujet de la rénovation énergétique datant de juin dernier à la suite de la réponse du Gouvernement à ce sujet le 27 octobre[5]. Dans ce document, la Cour pointe tout d’abord le manque de lisibilité, de simplicité et de stabilité des dispositifs d’aides à la rénovation énergétique, notamment du fait de leurs réformes très fréquentes. En effet, MaPrimeRénov’ ou les certificats d’économies d’énergie (CEE) sont des dispositifs dont les primes peuvent évoluer plusieurs fois sur une année. La prochaine loi de programmation énergie-climat devra notamment s’atteler à résoudre cette problématique structurelle de visibilité et de stabilité qui nuit au développement du secteur de la rénovation énergétique et in fine à l’atteinte de nos objectifs énergétiques et climatiques. Dans sa réponse, le Gouvernement a notamment indiqué que « des travaux se poursuivent pour aboutir en 2024 à un système encore plus simple, plus lisible et qui incite davantage à la réalisation de rénovations énergétiques performantes et globale ». Second point mis en exergue par la Cour des comptes, la problématique du suivi et de la mesure de l’efficacité des financements par rapport aux rénovations entreprises du fait du manque de données. En effet, ces données sont essentielles notamment pour mieux calibrer les dispositifs de soutien mais également pour mesurer le chemin parcouru et celui qui reste encore à parcourir. Enfin, la Cour des comptes appelle à renforcer le pilotage national de la politique publique.

Que faire de milliards d’euros supplémentaires pour la rénovation énergétique ?

Si le montant peut être interrogé, il n’en demeure pas moins que le chantier de la rénovation énergétique de nos logements reste immense et nécessite plus de moyens. Considérée comme politique prioritaire du Gouvernement, les travaux permettant d’en finir avec les passoires thermiques doivent s’accélérer à travers notamment un meilleur soutien des ménages les plus modestes.

Des moyens conséquents seraient par exemple nécessaires pour assurer un reste-à-charge nul aux propriétaires occupants très modestes[6] de passoires thermiques. Sur la base d’un reste-à-charge moyen évalué à 38,6%[7] pour les ménages très modestes en 2021, qui sont propriétaires occupants de 369 000 logements[8], et d’une rénovation globale d’un coût de 30 000€ : le financement d’un reste-à-charge nul représenterait un peu plus de 4 milliards d’euros supplémentaires. Cet investissement serait encore plus important pour assurer une couverture à 100% du coût des travaux des passoires thermiques occupées par des locataires très modestes.

L’amélioration de la distribution des Eco-prêts à taux zéro pour les ménages modestes et très modestes est également un enjeu important. La mise en place d’une banque de dernier recours de la rénovation énergétique[9] ou la bonification du crédit d’impôt alloué aux banques lorsqu’elles délivrent ces prêts aux ménages les plus précaires seraient des évolutions positives. Du côté des propriétaires bailleurs, le renforcement des incitations fiscales comme le déficit foncier serait également bienvenu afin d’améliorer l’accompagnement des propriétaires de logements qui ne pourront plus être loués prochainement.

Dans un contexte où 70% des « MaPrimeRénov » qui ont été versées depuis le début de l'année sont pour des changements de système de chauffage, et face à l’effondrement des aides à l’isolation, ces crédits supplémentaires permettraient de retrouver un véritable accompagnement de travaux essentiels, complémentaires et préalables à l’installation d’un système de chauffage. Enfin, si l’accompagnement financier est nécessaire, des crédits supplémentaires doivent également être fléchés vers le renforcement des contrôles afin d’assurer la qualité des travaux et de prévenir les fraudes.

A la suite du débat sur le budget alloué à MaPrimeRénov’ et de l’adoption des deux amendements visant à l’augmenter, les Députés Renaissance de la Commission développement durable et de l’aménagement du territoire ont appelé à la mise en place d’un groupe de travail parlementaire transpartisan sur la rénovation énergétique. Ce débat aura au moins permis cette initiative qui est à saluer. 

Ceci peut aussi vous intéresser