Les dérogations en pagaille au calendrier des passoires

C’était l’une des promesses de Christophe Béchu dans une interview donnée au Parisien début février : clarifier les règles applicables au calendrier d’interdiction de location des passoires. On connaît désormais le détail de ces clarifications, ou plutôt des dérogations nouvelles, grâce à un amendement déposé par le Gouvernement au projet de loi rénovation de l’habitat dégradé déposé au Sénat. Bien que déclaré irrecevable – l’amendement a été considéré comme cavalier législatif – celui-ci confirme les pistes du Gouvernement pour desserrer le calendrier des passoires. Décryptage.

Vers un nombre de dérogations doublé

Aujourd’hui lorsqu’un logement loué ne respecte pas les obligations de décence énergétique, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité. En cas de refus de ce dernier, le locataire peut saisir le juge pour faire ordonner la réalisation de travaux… sauf dérogations. A l’occasion du projet de loi rénovation de l’habitat dégradé, le Gouvernement a souhaité introduire de nouvelles exceptions à celles existantes et visant à empêcher demain le juge d’ordonner la réalisation de travaux :
 

  • [NOUVEAU] Lorsque le locataire « fait obstacle à l’exécution de travaux » visant à améliorer la performance de son logement. Un propriétaire faisant face à un locataire refusant de déménager de son logement le temps des travaux sera ainsi exonéré d’atteindre la performance énergétique minimale pour son logement. Une dérogation majeure quand on connait la crise actuelle du marché locatif et qui nécessitera d’être précisée par décret1.
     
  • [NOUVEAU] Lorsque des travaux ont été votés en AG de copropriétaires et que ceux-ci doivent permettre d’améliorer la performance des parties privatives, à la condition que ces travaux soient exécutés « dans un délai raisonnable ». Une notion nouvelle qui nécessitera également de renvoyer à un décret pour préciser ce qu’est un délai raisonnable pour un locataire restant exposé d’ici là à un logement énergivore. Dans son interview au Parisien, Christophe Béchu avait évoqué un délai de 2 ans. 
     

Ces dérogations s’ajouteront ainsi à celles existantes, à savoir lorsque le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales ou encore lorsque le copropriétaire, malgré la réalisation de travaux dans son logement et « ses diligences en vue de l'examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes », ne parvient pas à atteindre le niveau de performance minimal. Trois ans après l’examen de la loi Climat et résilience et à 9 mois de l’interdiction de location des logements classés G, le Gouvernement entend donc doubler le nombre de dérogations au calendrier des passoires.

Une meilleure information des ménages

Le Gouvernement entendait également dans son amendement confier aux syndics, dans un souci de transparence des occupants, une mission d’information sur le déroulé des travaux de rénovation énergétique dans une copropriété. Lorsque des travaux seront décidés en assemblée générale, le syndic devra dorénavant veiller à informer les copropriétaires et occupants de l’état d’avancement des travaux. Une mission de bon sens qui vise in fine à sensibiliser tout un chacun sur l’amélioration de la performance énergétique de son lieu de résidence.

Par ailleurs, l’amendement prévoyait d’apporter des précisions aux contrats de location concernés le calendrier d’interdiction de location des logements énergivores afin d’en simplifier la lecture. Les obligations découlant du calendrier des passoires s’appliquent bien aux seuls nouveaux contrats de location conclus, aux contrats renouvelés et aux reconductions tacites, et non pas aux contrats de location en cours. 



Alors que la date du 1er janvier 2025 approche à grand pas, le Gouvernement va devoir changer son fusil d’épaule s’il souhaite introduire lesdites nouvelles dérogations au calendrier des passoires. Celles-ci nécessitant de passer par la loi, un texte ad hoc ou une proposition de loi sont à attendre dans les prochaines semaines…






[1] Via une modification du décret n° 2023-796 du 18 août 2023 pris pour l'application de l'article 6 et de l'article 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et adaptant les dispositions des contrats types de location de logement à usage de résidence principale.

Ceci peut aussi vous intéresser