Un nouveau service public de la rénovation qui soulève des interrogations

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La semaine dernière, la Ministre du Logement, a présenté les contours du nouveau service public de la rénovation de l’habitat « France Rénov » avec un objectif réhaussé à 1 million de rénovation énergétique en 2022. Ce nouveau service public s’appuie notamment sur MaPrimeRénov’, l’évolution d’Habiter Mieux Sérénité, la mise en œuvre de Mon Accompagnateur Rénov et le déploiement du prêt avance rénovation. Si l’ambition politique semble au rendez-vous, la mise en œuvre l’est-elle tout autant ?

MaPrimeRénov’ Sérénité et MaPrimeRénov : des moyens à la hauteur des objectifs ?

L’Anah avait indiqué début décembre 2021 une cible de plus de 800 000 rénovations en 2022 quand il y aurait eu 770 000 demandes déposées en 2021 pour MaPrimeRénov’. La Ministre a annoncé la semaine dernière un rehaussement de cet objectif à 1 million de dossiers déposés[1]. Si ce rehaussement des objectifs est positif, on peut toutefois s’interroger sur les moyens alloués.

En effet, le budget de MaPrimeRénov prévu en loi de finances 2022 est de 2 milliards d’euros soit 400 millions de moins que celui prévu fin 2021[2] . De plus, l’aide a été recentrée sur les logements construits il y a « au moins 15 ans » au lieu de » plus de 2 ans » précédemment[3] . Ces éléments n’invitent pas à l’optimisme, cependant, l’Anah a communiqué en décembre dernier sur un budget global de 3,2 milliards d’euros pour la rénovation des logements privés.

Autre évolution, Habiter Mieux Sérénité dont les contours n’ont pas changé est devenue MaPrimeRénov’ Sérénité. Seule nouveauté : le cumul possible avec les CEE au 1er juillet prochain avec pour objectif d’augmenter les aides aux rénovations globales des ménages les plus modestes. Cependant, la récente modification du coup de pouce rénovation globale[4] et la révision des forfaits CEE pour l’isolation cumulées à la baisse de la valeur du CEE peuvent remettre en cause cette perspective. Des moyens supplémentaires pourraient donc surement être nécessaires pour être au rendez-vous de ces objectifs.

AccompagnateurRénov’ : Une muraille de Chine qui pourrait freiner la réussite du dispositif

Dispositif d’accompagnement des ménages dans leur parcours de rénovation, Mon Accompagnateur Rénov' est une des mesures phare de la loi Climat-Résilience. Elle suscite à ce titre beaucoup d’attentes. Déjà en cours de déploiement avec les guichets France Rénov’ et les opérateurs agrées par l’Anah, ce dispositif s’ouvrira en 2023 aux acteurs privés.

Si cette extension appelée de nos vœux est une nécessité pour répondre aux objectifs de massification des rénovations ambitieuses, elle n’assure pas de facto que les conditions soient réunies pour que les professionnels compétents souhaitent s’y engager. En effet, la Ministre a récemment indiqué vouloir ériger « une muraille de Chine » en « séparant l’activité de conseil de celle de réalisation des travaux »[5]. Pourtant, si elle est bien encadrée, la possibilité de conseiller et d’exécuter les travaux ne remet pas question l’indépendance et la neutralité des solutions techniques proposées prévues par la loi.

Autre point de vigilance, l’obligation de recourir à un AccompagnateurRénov pour bénéficier des aides de l’Anah (dont MaPrimeRénov’) pour certaines rénovations. Cette obligation, si elle allait au-delà des rénovations globales des ménages prioritaires pourrait impacter la dynamique de rénovation énergétique des logements en rigidifiant les parcours par gestes ou bouquets de travaux pouvant mener à la rénovation performante

Un prêt avance rénovation bientôt proposé qu’il conviendra de distribuer

La Ministre a également indiqué que le prêt avance rénovation serait proposé avant la fin du trimestre par deux banques (LaPoste et le Crédit Mutuel)[6]. Ce prêt avance mutation revisité à travers la mise en place d’une garantie du FGRE sous conditions de ressources devrait bientôt être une réalité. Si ce renforcement de l’offre de financement bancaire du reste-à-charge est positive, elle ne garantit pas pour autant la délivrance des prêts. Bien que déjà garanti par le FGRE, l’Eco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ) est assez peu distribué et quasiment pas à destination des plus modestes. Par conséquent, il est nécessaire de remédier au problème structurel de la délivrance de ces prêts en augmentant la rémunération des banques en contrepartie d’obligations quantitatives. La mise en place d’une banque de dernier recours de la rénovation énergétique pour la délivrance des Eco-PTZ après deux refus est également une solution pertinente.








Le service public de l’habitat évolue et se développe au service d’ambitions renforcées pour la transition écologique et sociale du parc de logement. Cependant, attention à ce que les murailles et les fondations des nouveaux services n’aient pas un effet contraire aux objectifs à travers le ralentissement du passage à l’acte des ménages vers les travaux d’amélioration de la performance de leur logement. De plus, le budget des aides publiques pourrait êtreà consolider pour poursuivre la dynamique 2021 du secteur.

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