Le DPE : un outil en quête de légitimité

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Ces dernières semaines, les annonces se sont multipliées autour de la réforme du DPE. Débat sur le mode de calcul, réattribution automatique de notes… L’outil phare de mesure de la performance énergétique des logements est au cœur des discussions et des controverses. Effy fait le point sur les nouveautés et sur les évolutions probables du DPE.

Rétrospective des changements depuis janvier 2024

Christophe Béchu (Transition écologique), Bruno Le Maire (Economie et finances), Guillaume Kasbarian (Logement) : chaque ministre y a été de sa petite phrase, à peine le remaniement terminé, pour donner son avis sur les évolutions nécessaires du diagnostic de performance énergétique (DPE)…

 

C’est finalement Christophe Béchu qui a détaillé les mesures impactant le diagnostic le 12 février dernier : 

  • Modification du mode de calcul au 1er juillet 2024 pour corriger un biais défavorable aux petites surfaces.
  • Attribution automatique d'une note plus favorable pour certaines passoires thermiques : il suffira d’aller chercher une attestation révisée, et rétroactive, sur le site de l’ADEME. Ce changement de calcul devrait faire sortir 180 000 logements du statut de passoire thermique. 

 

Une révision rapide et pragmatique saluée par la plupart des acteurs du secteur… et qui permet de détendre un marché de l’immobilier sous tension, sans toucher au calendrier de contraintes qui pèse sur les passoires thermiques. 

 

Est en effet maintenue l’interdiction de location pour les logements G au 1er janvier 2025, mais le Ministre a apporté des précisions pour rassurer les propriétaires et locataires concernés : 

  • L'interdiction s'applique uniquement lors d’un nouveau bail ou renouvellement du bail, et non pas en cours de bail.
  • Le propriétaire bailleur ne pourra être tenu responsable si le locataire refuse de libérer le logement le temps des travaux 
  • Dans les copropriétés, si des travaux de rénovation des parties communes sont votés, l'interdiction de louer sera levée pour une période de deux ans à partir de la date de l’Assemblée générale.

Des changements qui ne devraient pas éteindre la totalité des critiques 

On le voit donc clairement : le DPE est au cœur du système de la rénovation énergétique. C’est son étiquette qui classe les bons et les mauvais élèves et il participe à déterminer les niveaux d’aides.

 

Son importance, dans les transactions immobilières et dans l’attribution des aides publiques, cristallise donc d’autant les critiques autour de son mode de calcul… et elles ne sont pas toutes résolues par les annonces de début février.

 

En effet, les nouveautés 2024 se concentrent sur un défaut de sa méthodologie – en l'occurrence les petites surfaces – alors que les critiques concernent également deux autres axes : le coefficient d’énergie primaire et la fiabilité “réelle” des calculs. 

 

Le coefficient d'énergie primaire

Par ce terme un peu technique, on identifie la différence entre l’énergie disponible dans la nature avant transformation et l’énergie finale que les gens consomment réellement. Un élément notamment pris en compte dans le DPE.

 

Ainsi, dans le cas du charbon ou de gaz, l'énergie nécessite peu de transformation hormis l'acheminement entre la source et le point de consommation. Le coefficient est donc proche de 1, car on considère qu’il n’y a pas de déperdition entre la quantité d’énergie fournie et la quantité d’énergie consommée. 

 

En revanche, le coefficient est défavorable à l’électricité. En effet, comme cette énergie n'est pas présente à l'état naturel, elle doit être produite à partir d'énergies renouvelables, fossiles ou nucléaires. Le coefficient est donc actuellement fixé par convention à 2,3

 

Cela amène notamment certains logements qui passent du gaz à l’électricité à voir leur classement énergétique se dégrader malgré la baisse des émissions de gaz à effet de serre et des factures d'énergie… Un paradoxe car un logement au DPE C pourrait ainsi se retrouver classé G, alors qu’il dépendrait moins des énergies fossiles.

 

La correction de ce coefficient pour l’électricité semble tenir à cœur à Bruno Le Maire, qui a évoqué plusieurs fois le sujet, des travaux ont ainsi été initiés au sein de l'administration.

 

Des consommations réelles loin de celles attendues par les calculs

Autre critique : un rapport du Conseil d’analyse économique (CAE) pointe certaines failles et incohérences dans le DPE actuel. Le CAE a ainsi comparé la consommation d’énergie théorique retenue par le DPE à la consommation réelle de 180 000 foyers. 

 

Si les classes énergétiques du DPE devaient théoriquement restituer un écart de consommation de 500% entre un logement classé A et un équivalent classé G, la différence de consommation constatée dans la réalité n’a été  “que” de 86% entre un bien ayant la note A et un ayant la note G. Soit un écart réel six fois plus faible que l’écart théorique modélisé par le DPE ! La raison probable? Les occupants de passoires thermiques ont tendance à modérer leurs consommations énergétiques par rapport à ceux qui habitent un logement bien isolé. 

 

L’étude du CAE montre également du doigt une autre faiblesse du mode de calcul actuel : il relève que le DPE est nettement moins fiable pour les logements avec une grande surface. Le DPE aurait en effet du mal à modéliser les moindres déperditions liées à la taille du logement… ainsi que le comportement des occupants qui surveillent leurs consommations énergétiques.

 

Malgré ces critiques, il ne faut pas toutefois oublier l’utilité première du DPE. Bien qu’il en donne une indication, celui-ci ne sert pas à mesurer précisément la consommation d’énergie d’un logement. Il représente en revanche une photographie de sa performance énergétique.

Le DPE va-t-il rester un outil de mesure ou devenir un outil de pilotage ? 

On peut donc s’interroger sur la place à accorder au DPE aujourd’hui. Quelle pertinence de le réviser seulement au seul sujet des petites surfaces ? D’autant que l’outil est désormais aussi utilisé pour guider les politiques de logement, ce qui pourrait l’éloigner de son caractère scientifique initial.

 

En effet, quelques jours après l’annonce de la révision du DPE, le gouvernement a annoncé par la voix de Bruno Le Maire la baisse du budget prévu pour MaPrimeRénov’ en 2024, raboté d’un milliard d’euros ! 

 

Le retrait de 180 000 logements du statut de passoires thermiques quelques jours avant semble donc une heureuse coïncidence permettant de tenir les nouveaux objectifs budgétaires sans se dédire trop ouvertement sur la lutte contre les passoires thermiques… 

 

Cette révision à la baisse des ambitions de rénovations énergétiques a été confirmée par Thomas Cazenave, ministre du Budget. Mais sans pour autant donner de nouveaux chiffres.

 

Le gouvernement a promis aux professionnels du logement de les réunir à nouveau début mars. Nul doute que les discussions seront animées, notamment pour réclamer de la visibilité dans un secteur qui navigue à vue depuis quelques mois. 

 

Et la place du DPE dans les échanges devrait être centrale ! Ne serait-ce que parce qu’aujourd’hui, le DPE reste indispensable : c’est bien le seul outil dont nous disposons pour connaître la performance énergétique d’un logement.

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