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Certificats d’économie d’énergie – obligations de la 5ème période : des équilibres difficiles à trouver.

Par Alexandre Fernandez

Après plusieurs mois d’attente, les projets de décret et d’arrêté relatifs à la 5ème période d’obligation des Certificats d’Economie d’Energie viennent de sortir. Ils seront à l’ordre du jour du prochain Conseil Supérieur de l’Energie du 18 février. Malgré des améliorations du dispositif en matière de traçabilité et de qualité des opérations, ces projets de textes témoignent d’arbitrages difficiles à trouver. Trouver les bons équilibres est pourtant primordial puisque le dispositif est aujourd’hui le principal financeur d’aides à la rénovation énergétique des logements, et il est particulièrement important pour les ménages les plus modestes.

Une faible augmentation du niveau de l’obligation globale mais une répartition chamboulée

Selon le projet de décret, le niveau de l’obligation de la 5ème période se situerait autour de 2400 et 2500 TWh cumac, soit une hausse modérée de 12 à 14% pour la période quadriennale qui s’étendra de 2022 à 2025. Ce niveau reste très en deçà de celui demandé par la Convention Citoyenne pour le Climat à plus de 6000 TWh cumac (augmentation de 3,2 fois le niveau de la quatrième période).

L’obligation pèsera de manière beaucoup plus conséquente pour les fournisseurs de gaz naturel (qui voient leurs obligations augmenter de 83%) alors qu’elle diminue pour les fournisseurs d’électricité (-11%). Ces écarts proviennent de la prise en compte uniquement des volumes d’énergie vendus pour déterminer les obligations, et non plus des prix de vente des énergies (qui étaient le facteur principal).
 

tableau P5 V2

 

Ainsi le carburant restera le principal contributeur à l’obligation d’économies d’énergie (près de la moitié), suivi par l’électricité et le gaz naturel à des niveaux très proches (près d’un quart de l’obligation) :
 

Camemberr repart /energies

La chasse aux bonifications va cependant rendre l’obligation plus difficile à atteindre

Les projets de textes témoignent d’une volonté de limiter les sources de CEE :
- En limitant le volume réservé aux programmes (hors précarité) qui ne pourront excéder 8% du volume total des CEE délivrés (contre 12% lors de la P5)
- En limitant fortement les « pondérations » (plus usuellement appelées bonifications : pour les ménages très modestes, les ZNI ou plus globalement les Coup de Pouce) à 25% du volume de CEE délivrés en 5ème période, alors que ces pondérations représentaient 42% du volume délivré entre le 1er janvier 2019 et juin 2020 (et surement près de 50% fin 2020).

Cette « pression sur les bonifications » se traduit par la suppression rapide d’une grande partie des coups de pouce (ceux au profit des opérations d’isolation, d’installation de thermostat ou de chaudières gaz THPE pour le remplacement d'une chaudière gaz, hors condensation).

En particulier, cela signe l'arrêt définitif des opérations d’isolation à 1 euro, ce qui aura un impact aussi sur le nombre des opérations réalisées et pas seulement sur volume de CEE que représente chacune d’entre elles.

Ainsi, la réduction des pondérations va rendre significativement plus difficile l’atteinte de l’obligation, et on peut estimer que sans réduction de ces pondérations, l’obligation équivalente aurait représenté un objectif à atteindre de 3200TWh cumac [1].

En considérant un volume actuel de 50% pour ces pondérations, cela représenterait même un objectif « équivalent » à une obligation de 3700 TWh cumac dans les règles actuelles.

Une plus grande exigence de qualité, souhaitable, mais sans aller jusqu’au bout

La rationalisation des bonifications s’accompagne de plusieurs mesures renforçant la transparence et qualité du dispositif : les délégataires devront mettre en place un système de management de la qualité couvrant l’activité CEE, publication de la liste des personnes soumises à des obligations d'économie d'énergie incluant pour chaque délégataire l’identité de ses délégants, communication de la liste des sites internet utilisés par pour commercialiser les offres, etc.

En revanche, il manque un point essentiel dans le renforcement et la sécurisation de la relation entre financeurs (le demandeur des CEE) et le bénéficiaires la prime.

En effet, de trop nombreux abus ont eu lieu au cours de la 4ème période des CEE, impactant des ménages victimes d’intermédiaires peu scrupuleux et discréditant des filières de professionnels pour les agissements d’une minorité de fraudeurs. Comme décrit par des rapports d’enquêtes (TRACFIN par exemple), ces abus mettent en œuvre des organisations complexes et des jeux d’intermédiaires qu’il est simple de stopper en assurant un lien juridique direct entre le financeur et le bénéficiaire.

A l’instar des mécanismes mis en place par l’Anah pour sécuriser le dispositif MaPrimeRenov, ou par des établissements de crédit avant de verser une somme, cette proposition permettrait de prévenir les fraudes et les démarches commerciales abusives en éradiquant les risques à la source plutôt que d’essayer de guérir à postériori.

Les ménages modestes, et en particulier les plus modestes, victimes des arbitrages

Les projets de textes prévoient deux modifications profondes du dispositif à destination des ménages le plus modestes :
- Les ménages modestes (« catégorie jaune » de MaPrimeRénov) ne seront plus bénéficiaires des CEE PR dit « précarité », mais du dispositif général avec des Coup de Pouce réduits (cf. ci-dessus)
- Les ménages très modestes (« catégorie bleue » de MaPrimeRénov) resteront bénéficiaires des CEE PR dit « précarité », mais ne bénéficieront plus de la bonification de leurs volume (l’article 6-1 de l’arrêté instaure aujourd’hui un doublement du volume de CEE lorsque les travaux de rénovation sont réalisés chez ces ménages).

Le dispositif proposé pour la 5ème période fait le pari que le prix du CEE précarité (dont bénéficieront uniquement les ménages très modestes) sera significativement supérieur à celui d’un CEE de droit commun. Les textes proposent d’ailleurs d’augmenter la pénalité à 20€/MWh cumac  chez ces ménages contre 15€/MWh pour les CEE de droit commun.

Même si ce jeu de vase communiquant pourrait théoriquement fonctionner, les seuils proposés semblent avoir fait l’impasse du calcul des stocks. En effet la production de CEE PR représentait à fin décembre 2020 près de 42% du volume total de CEE délivrés, alors que l’obligation correspondante n’est que de 25% de l’obligation totale.

Selon des calculs réalisés par Effy sur la base des rythmes actuels de délivrance de CEE CL et PR, le dispositif disposera a mi-2022 (soit au moment de l’annulation des CEE de 4ème période chez les obligés d’une avance de près de 500 TWhc cumac de CEE PR… soit quasiment le montant de l’obligation à réaliser entre 2022 et 2025 ! Dans ce cadre il parait indispensable de réevaluer le montant de la part de CEE devant être réalisé au bénéfice des ménages les plus modestes, afin qu’ils ne soient pas victimes des arbitrages techniques.

[1] Formule : [2450 TWhc * (1-25%) ~ 3200 TWhc * (1-42%)].

Alexandre Fernandez

Responsable des Affaires Publiques

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