Interview : quel impact de l’efficacité énergétique sur la valeur immobilière d’un bien ?

Réforme du DPE, loi Climat et résilience… Dans un univers réglementaire qui accorde de plus en plus d’importance à la performance énergétique de l’habitat, nous avons voulu en savoir davantage sur ce que l’on appelle la “valeur verte des logements”. Voici des éléments de réponse dans cet entretien avec Pierre Evrard, Chargé de mission développement durable et rénovation énergétique à la FNAIM.

Quelles sont vos missions principales à la FNAIM ?

J’apporte au sein des équipes une composante technique développement durable et rénovation énergétique, qui s’exprime en amont sur les grands dossiers (DPE, MaPrimeRénov’, Climat et résilience…) et les textes réglementaires en totale pluridisciplinarité avec les équipes juridiques. Les réglementations, du fait des thèmes abordés, devenant plus complexes, ce travail est donc nécessaire.

 

Au-delà, j’accompagne tout professionnel de l’immobilier adhérent dans les questions qu’il peut se poser ou qu’on peut lui poser sur ces sujets environnementaux et énergétiques, mais aussi collectivement en forgeant des outils pragmatiques d’accompagnement.

Selon vous, en quoi enjeux environnementaux et secteur immobilier sont-ils liés ?

Dans un premier temps, nous connaissons tous l’impact des bâtiments par l’utilisation que nous en faisons. Bien au-delà, les professionnels de l’immobilier sont avant tout des acteurs du logement. Nous faisons ainsi le lien direct entre les évolutions et obligations de la loi Climat et résilience contenues dans son volet « Se Loger ».

Diriez-vous qu’il existe une prise de conscience du secteur immobilier ?

La prise de conscience ne date pas d’aujourd’hui et tout y conduisait. Les avancées en termes d’efficacité énergétique sur le neuf ont induit un écart de plus en plus flagrant entre le neuf et l’existant non rénové. C’est ce qui a conduit à lancer des programmes CEE comme « Les Copros Vertes », notamment et ses quinzaines de formations. La Loi Climat et Résilience est finalement venue donner un cadre avec des objectifs et un agenda précis en termes de rénovation énergétique : dès lors, une minuterie s’est enclenchée pour l’ensemble des professionnels.

 

Avec la nouvelle réglementation, une agence immobilière est plus que jamais valorisée par l’efficacité énergétique de son portefeuille de biens en gestion. En fait, si une agence a 50% de ses biens classés F et G, sa valorisation est divisée par deux, puisqu’à l’horizon 2028, la moitié de ses biens ne pourront pas être loués.

Ressentez-vous une prise de conscience du côté des particuliers ?

Elle est évidente depuis quelques années déjà, mais connaît depuis deux à trois ans une accélération du fait des derniers épisodes caniculaires et du confinement dû au Covid. Le point important est qu’à l’heure, cette prise de conscience se traduit en actions : le volume de dossier MaPrimeRénov’ en est un excellent indicateur.

Au sujet des propriétaires bailleurs, comment les inciter à faire des travaux chez eux ?

Finalement, nous allons passer du besoin d’inciter au besoin d’accompagner en quelques mois seulement. Les interdictions de location issues de la Loi Climat et Résilience incitent plus que fortement les propriétaires bailleurs à l’action. Il convient maintenant de trouver les bons outils, notamment techniques et financiers, pour les accompagner concrètement.

Quel regard portez-vous sur la réforme du DPE ?

Le nouveau DPE devient enfin un véritable outil de communication pour toute personne même éloignée des métiers du bâtiment et en même temps le « mètre étalon » des réglementations. Il a connu une naissance difficile mais rentre maintenant dans un processus d'amélioration. Le DPE devient non uniquement énergétique du fait de la notation double-seuil, et donne ainsi une nouvelle échelle de classement et de valeur entre les biens immobiliers en défavorisant clairement les biens ayant recours au gaz ou au fioul.

En quoi ce “nouveau DPE” va influer sur le prix des logements ?

Le DPE va influer plus fortement sur les prix des logements au regard des données sur les consommations financières en énergies, mais aussi et surtout au regard des échéances 2025, 2028 et 2034 de la Loi Climat et Résilience. Il semble qu’on ait plus facilement tendance à intégrer le coût des travaux pour négocier l’acquisition d’un bien F ou G.

Comment les agents immobiliers sensibilisent les particuliers sur la question énergétique ?

Un agent immobilier n’a pas vocation à devenir un spécialiste de la rénovation énergétique. Mais il peut avoir un rôle de conseil sur des travaux de rénovation, et surtout il doit renvoyer vers les interlocuteurs compétents : un bureau d’études pour réaliser un audit énergétique, des accompagnateurs rénov’, des architectes… Il doit guider l'acquéreur dans un schéma qui va jusqu’à une rénovation énergétique de son logement.

 

Pour autant, certains agents immobiliers expérimentent des techniques plus directes : au lieu de vendre une maison classée G à 120 000 €, il vont la vendre 170 000 €, mais entièrement rénovée.

Les agents immobiliers sont-ils formés à la rénovation énergétique ?

Bien sûr ! Il existe de nombreuses formations dédiées à cette question. Un autre exemple, la création d’une sorte de guide de survie de l’agent immobilier sur la rénovation énergétique : en quelques pages, il regroupe toutes les informations nécessaires et les points à ne pas oublier de mentionner devant le client.

Concernant la valeur verte des logements, avez-vous des données spécifiques à nous communiquer ?

A ce jour, nous estimons que les chiffres communiqués par l’étude des notaires sont pertinents.

 

En revanche, il faut faire attention avec cette notion de valeur verte : il y a eu pendant longtemps un leitmotiv concernant le retour sur investissement des travaux, mais cela n’a pas trop de sens en rénovation. Ce qu’il faut prendre en compte, c’est l’amélioration de la qualité de service d’un logement qui est rénové : un vieux bâtiment peut retrouver le même niveau qu’une maison construite depuis quelques années seulement.

 

Donc quelque part, la valeur verte n’est peut-être pas encore bien définie : on devrait s’interroger sur la plus-value d’un bien rénové par rapport à un bien construit récemment. Le but c’est de pouvoir dire “votre maison qui date de 1970, elle va se retrouver comme si elle avait été construite il y a deux ans”.

Avez-vous un exemple concret à nous donner ?

Un exemple flagrant, en Basse-Normandie : nous sommes arrivés dans une zone pavillonnaire des années 1970, un peu vieillissante. Au milieu de tous les logements, il y avait une superbe maison d’architecte qui venait d’être construite. En réalité, c’était la même maison que les autres, mais qui avait été rénovée au niveau BBC ! Ce qu’on sait pertinemment, c’est que ce bien sera vendu beaucoup plus vite et beaucoup plus cher que ses voisins.

 

Maison bioclimatique avec des panneaux solaires sur le toit

 

En novembre 2021, la FNAIM a fait plusieurs propositions pour le logement à l’approche des présidentielles. La rénovation énergétique occupe une place de choix parmi les idées de la Fédération. On peut citer par exemple, dresser une cartographie de l’indécence énergétique pour anticiper une pénurie de logements en location ou encore faciliter encore le financement de la rénovation des copropriétés.

 

Désormais, l’une des clés de la réussite de la rénovation énergétique du parc immobilier français, selon Pierre Evrard ? “Que le projet de loi finance soit à la hauteur de la loi Climat et résilience”.

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