MaPrimeRénov’ : décentraliser, débudgétiser ou enterrer, le dilemme qui va agiter le Parlement

A chaque mois suffit sa proposition de réforme. Alors que la réforme du parcours accompagné de MaPrimeRénov’ est entrée en vigueur le 30 septembre, deux propositions de réforme du dispositif ont depuis été formulées. Simple coup de com’ ou piste sérieuse ? Effy décrypte.

Supprimer MaPrimeRénov’ au profit d’un (nouveau) prêt à taux zéro : la dernière piste du RN

Lors d’une conférence de presse organisée hier, le groupe Rassemblement National a présenté une proposition visant à remplacer MaPrimeRénov’ par un nouveau dispositif baptisé « 100% Rénov’ ». Dispositif hybride à la frontière de l’éco-PTZ et du prêt avance mutation, cette nouvelle aide consisterait en un prêt à taux zéro de longue durée, destiné à financer les travaux de rénovation d’ampleur des logements. Ce prêt distribué par les banques remplacerait tout bonnement l’aide directe MaPrimeRénov’ au moyen d’une transition « en bonne intelligence » explique le groupe RN.

Une proposition de suppression motivée par « l’échec de la politique du chèque » explique les députés à son initiative. Ces derniers mettent en avant le faible nombre de rénovations d’ampleur financées jusqu’ici par MaPrimeRénov’ mais également les dérives inflationnistes sur les devis causées par les aides ANAH. En lieu et place, ce prêt garanti par l’Etat et la valeur du bien serait remboursé chaque mois par les ménages, sans intérêt, à hauteur de 50% des économies d’énergie réalisées grâce aux travaux. Le solde final du prêt serait remboursé in fine à la banque lors de la mutation du logement. Une mécanique qui écarterait de facto les ménages en précarité énergétique ne pouvant se payer le luxe de se chauffer soulignons-le.

En se substituant à MaPrimeRénov’, ce prêt « 100% Rénov’ » permettrait de diviser par 10 le coût actuel du dispositif avance le groupe RN. Ce dernier chiffre à 300 millions d’euros par an le coût pour l’Etat de cette proposition, qui reposerait sur une indemnisation de l’Etat aux banques acceptant de distribuer ce prêt sans intérêt. Un montant financé par un futur "Fonds d’amortissement de la dette écologique" issu de la transformation du mécanisme de marché des CEE en logique de fonds formule en parallèle le RN. Un chiffrage non loin du coût actuel de l’éco-PTZ, projeté à 255 millions d’euros pour 2026 dans le projet de loi de finances pour 2026. Le groupe RN a d’ores et déjà annoncé que sa proposition sera déposée par voie d’amendement à l’occasion de l’examen du PLF 2026 qui vient justement de débuter à l’Assemblée nationale. 

Décentraliser MaPrimeRénov pour gagner en efficacité, vraiment ?

La proposition du RN intervient vingt jours après le dépôt par l’ex-député LR Sébastien Martin d’une proposition de loi visant à expérimenter une décentralisation de MaPrimeRénov’. Depuis nommé ministre délégué chargé de l’Industrie, Sébastien Martin y proposait une expérimentation de deux ans visant à confier aux collectivités volontaires la compétence de rénovation énergétique. Concrètement, le département ou l’intercommunalité volontaire aurait la charge de définir les critères d’éligibilité à MaPrimeRénov’ et d’instruire et traiter les dossiers de demande d’aides. Une compétence actuellement réservée à l’ANAH au niveau national ou aux ANAH locales selon les dossiers. Les collectivités volontaires auraient également la charge d’octroyer les agrément Mon Accompagnateur Rénov’ sur leur territoire. Une proposition de loi qui conserverait la nécessité que le Parlement vote chaque année le budget alloué à MaPrimeRénov’, mais dont les crédits votés seraient ensuite répartis entre l’ANAH et les collectivités volontaires à l’expérimentation.

Si cette proposition paraît sur le papier moins radicale que celle du RN, elle conduirait en réalité à un véritable micmac réglementaire. Au sein d’une même région, les règles pourraient varier d’un département volontaire à l’autre. Tandis qu’au sein d’un même département, les règles pourraient également varier entre l’intercommunalité volontaire et le reste du département. Un véritable micmac qui nuirait au travail des acteurs nationaux œuvrant chaque jour pour massifier la rénovation énergétique grâce à des règles harmonisées à l’échelle nationale. La diversité d’interlocuteurs serait également un frein majeur.

Déposé le 30 septembre, la proposition de loi de Sébastien Martin n’aura pas eu le temps d’être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale avant sa nomination au Gouvernement. Seul signataire, le texte devrait désormais rester lettre morte. D’ici là, l’examen du PLF 2026 devra trancher entre la copie du Gouvernement – visant à accélérer la débudgétisation d’une partie de MaPrimeRénov’ au profit des CEE – ou celle du groupe RN visant à supprimer MaPrimeRénov’. L’examen de la seconde partie du budget 2026 consacrée aux dépenses débutera à partir du 4 novembre à l’Assemblée.

Victor Breheret

Responsable des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.

Les articles les + récents

Le magazine de la rénovation

Ceci peut aussi vous intéresser