Les vents contraires de la rénovation énergétique

Ce début d’année 2024 est marqué par un paradoxe sur le marché des travaux de la transition énergétique. Si l’on pensait que la hausse du prix de l’électricité permettrait d’accélérer les travaux d’économies d’énergie, celle-ci profite principalement aux travaux permettant de produire sa propre énergie. Pourtant les aides pour les premiers sont en hausse quand celles pour les seconds sont en baisse. Diagnostic d’un paradoxe inédit sur le marché français.

A bâbord le marché de la rénovation énergétique inquiète

Le bilan du premier trimestre 2024 de MaPrimeRénov’ publié la semaine dernière l’a confirmé : les travaux de rénovation énergétique sont en baisse depuis maintenant plusieurs mois. Pour preuve : seulement 57 000 dossiers de demandes MaPrimeRénov’ déposés au T1. Une contre-performance à laquelle la rénovation avait jusqu’à présent échappée depuis le plan de relance de 2020. Pourtant, jamais les aides pour réaliser des travaux n’ont été aussi élevées, qu’il s’agisse de travaux simples comme de rénovations d’ampleur. 

Comment l’expliquer ? La complexité des aides ne saurait expliquer tous les maux du marché de la rénovation énergétique. La hausse du prix de l’électricité, corrélée à une baisse du prix du gaz, pourrait expliquer une partie de l’équation notamment sur la baisse des ventes de pompes à chaleur (-14% en 2023)1. Pour preuve, le Gouvernement a dévoilé courant avril un vrai/faux sur les PAC afin de rassurer les particuliers. Autre facteur à prendre en compte : un pouvoir d’achat en berne, qui peut amener à déprioriser la réalisation de travaux de rénovation. 

A tribord le marché de l'autoconsommation résidentielle explose

Dans le même temps les dernières données publiées par Enedis confirme l’hypercroissance du marché de l’autoconsommation résidentielle. Avec près de 55 000 nouvelles installations, l’autoconsommation résidentielle fait match égal avec la rénovation énergétique au premier trimestre 2024. Alors que le marché du photovoltaïque est loin d’avoir la maturité du marché de la rénovation énergétique, on compte au T1 2024 autant de dossiers de mises en service d’installations solaires que pour MaPrimeRénov’ (tous travaux confondus).

L’autoconsommation résidentielle s'envole et pourtant les aides baissent au 1er mai pour le quatrième trimestre tarifaire consécutif. En un an le montant de prime à l’autoconsommation [ndlr, prime EDF OA] a chuté de -40%. A l’inverse du marché de la rénovation énergétique, le photovoltaïque affiche ainsi une surperformance alors que les aides n’ont jamais été aussi basses. Si la hausse du prix de l’électricité n’a pas eu l’effet escompté sur la dynamique de rénovation, son effet est indéniable pour l’autoconsommation résidentielle. 

L'heure de faire tomber les digues

Partant de ce paradoxe, comment l’hypercroissance du marché de l’autoconsommation résidentielle pourrait bénéficier au marché traditionnel de la rénovation énergétique ? Nous sommes convaincus que l’heure est venue pour ces deux marchés de converger – les pouvoirs publics refusant aveuglement d’admettre qu’une installation d’autoconsommation permet de réaliser des économies d’énergie. C’est pourquoi Effy renouvelle son appel au Gouvernement pour que l’autoconsommation résidentielle soit reconnue comme un travaux de rénovation énergétique à part entière. Comment ? En l’intégrant de plein droit aux outils de politiques publiques de rénovation de l’habitat ancien :

1.    En intégrant l’autoconsommation solaire résidentielle au champ de l’éco-PTZ ;
 

2.    En appliquant aux travaux d'autoconsommation solaire résidentielle une TVA à taux réduit à l’occasion de la refonte d’ici au 1er octobre de la TVA à 5,5% pour la rénovation énergétique ;
 

3.    En rendant éligible l’autoconsommation solaire résidentielle au dispositif des CEE en 6ème période considérant les pertes d’électricité évitées sur le réseau en autoconsommant ;

4.    En publiant le décret autorisant le déblocage anticipé de son épargne salariale pour financer des travaux de transition énergétique (rénovation comme autoconsommation), conformément à l’engagement du Gouvernement.







[1] Bilan Uniclima 2023, marché de la PAC air/eau.

 

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

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